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Dead Man Walking de Jake Heggie au Teatro Real de Madrid - Opéra faible et transmission forte - Compte-rendu
Michael Mayes (Joseph De Rocher) & Joyce DiDonato (Sœur Helen Prejean) © Javier del Real
L’œuvre pourrait pourtant facilement tomber dans les pièges qu’appellent sa structure et son propos. Elle s’inspire du récit de cette histoire réelle qu’en a fait l’héroïne à son corps défendant, la religieuse Helen Prejean, best seller de librairie vite relayé par le cinéma en 1995 (dans l’adaptation de Tim Robbins). Le compositeur Jake Heggie (né en Floride en 1961) reprend donc un sujet qui avait déjà suscité l’engouement du public. Il s’agit en l’espèce de celui d’un assassin dans les couloirs de la mort d’une prison de Louisiane, auquel la religieuse apporte son soutien moral et spirituel jusqu’au terme de son exécution finale. Et l’assassin en question, alors de se convertir à Dieu dans ses derniers instants ! Un message assez symptomatique du pays empreint de religiosité chrétienne dont il procède, mais qui sous d’autres cieux (?) paraît peut-être plus difficile à faire passer.
D’autant que le livret se fait insistant sur ce point, jusques et y compris une prière collective finale (le « Notre Père »). Et d’autant que la musique ne soulage guère, alignant durant trois heures un récitatif permanent, parsemé de quelques touches de gospel ou rock, sur fond d’orchestration façon musique de film. Un ou deux airs et un beau sextuor vocal, mais trop brefs, réveillent l’attention. Bien peu, pour un opéra traînant en longueur et qui aurait gagné à être largement élagué.
Sauf que la mise en scène, conçue par Leonard Foglia dans une production de l’Opéra de Chicago, elle, appelle toutes les attentions. Quelques éléments de praticables métalliques qui montent et descendent, des situations bien plantées, suffisent à transmettre le réalisme du sordide de l’histoire. Frappant ! et criant de vérité comme de cruauté ! À cet égard, les protagonistes de l’action, ou plutôt de la non action dans leurs soliloques exacerbés, sont eux-mêmes d’une criante vérité scénique. En sus de leurs prestations vocales, impeccables.
Michael Mayes ( Joseph De Rocher © Javier del Real
Le baryton Michael Mayes explose comme une véritable bête de scène et de chant, incarnant le condamné à mort Joseph De Rocher (il est curieux de relever que la plupart des personnages arborent des patronymes français !), par une expression saisissante et des notes bien lancées. Joyce DiDonato confirme des vertus vocales qui ne sont plus à glorifier pour une pathétique Sœur Helen Prejean. Maria Zifchak livre un belcanto bien senti pour la mère du condamné, alors que Measha Brueggergosman dispense une Sœur Rose d’un legato soutenu. Pour ne retenir que quatre rôles principaux parmi une distribution vocale pléthorique, parcourue d’une pareille et juste adéquation. La maîtrise des enfants chanteurs de la Communauté de Madrid, le chœur et l’orchestre titulaires du théâtre, apportent un appoint des mieux circonstanciés, sous la battue vigilante de Mark Wigglesworth. Une magnifique restitution, qui mérite bien de l’accueil triomphal du public habituellement plus réservé de l’Opéra madrilène.
Pierre-René Serna
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