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Démonstrations de l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris – Un air de printemps – Compte-rendu
C’est toujours un précieux moment que de voir se mesurer au plateau toutes ces classes d’âge qui annoncent le renouveau de la troupe du Ballet de l’Opéra, encore que l’entrée des jeunes gens qui auront passé toutes ces épreuves soit loin d’être évidente. Du moins, le prestigieux label de l’Ecole de Nanterre les aidera-t-il à accéder à d’autres compagnies, de par le monde. Délice donc, que cette mise en lumière des charmes et des terribles difficultés de leur progression, que l’on contemple d’un œil différent, selon qu’il s’agit des plus jeunes, des adolescents, ou de ceux qui proches de la fin du cycle, vont devoir se projeter dans des enjeux de vie, sur lesquels on pose un regard plus inquisiteur, déjà plus exigeant.
L’aventure commence pour des gamins ayant entre 8 et 13 ans et se poursuit sur six cycles, dénommés divisions, qu’Elisabeth Platel, directrice de l’école, suit et coordonne avec une rigueur passionnée, à la fois humaine et vigoureusement attachée au meilleur des traditions de notre style : la même rigueur qu’elle apporta au déroulement de sa propre carrière, éblouissante. Une véritable passionaria, une missionnaire de la beauté, qui présente avec grâce ces démonstrations, pour faire pénétrer au vif de cet art si difficile et voué à l’éphémère, ce qui exige qu’on le soutienne avec d’autant plus de fermeté et de rigueur.
Démonstration danse contemporaine © Svetlana Loboff / Opéra national de Paris
Dix- sept professeurs se succèdent donc sur le plateau, face à un pianiste de cours - animal bien particulier, aurait sûrement trouvé Francis Blanche, notamment le véloce Laurent Choukroun, l’une des figures de la maison, gentiment houspillé par la pétillante Carole Arbo – et font travailler leur division, pour finir sur un plateau commun, où apparaissent les portés : là, garçons et filles se réunissent enfin, sous l’œil attentif de Wilfried Romoli. Tout s’enchaîne souplement, chaque séquence faisant alterner les divisions bien sûr, mais aussi le subtil apprentissage de la danse contemporaine – magnifique moment consacré au style de Martha Graham – avec les positions basiques et les équilibres, entrechats et sauts, notamment pour la 2e division garçons (photo), propulsée par Yann Saïz dans l’arène avec de difficiles mouvements. Mime et expression musicale permettent aussi aux plus jeunes de respirer et de sortir de la rigueur académique, tandis qu’ils tapent de leur bottes rouges pour la danse de caractère, présente dans les grands ballets classiques, russes généralement, qu’ils devront affronter par la suite. Quant à la rigueur des équilibres et ports de tête, surtout pour les danseuses, on sait combien Platel leur est attachée, elle dont chaque geste fut une leçon autant qu’un enchantement.
La 3e division garçons © Svetlana Loboff / Opéra national de Paris
Cette année, on a été particulièrement séduits par la troisième division garçons, d’où émergeaient des personnalités dont on espère qu’elles se développeront. Car la technique peut toujours s’affirmer, le charisme, beaucoup moins. De nouveaux professeurs ont fait leur apparition, le beau Stéphane Bullion depuis peu à la retraite, pour les jeunes garçons, la charmante Nolwenn Daniel, qui saura inoculer sa classe à la troisième division filles, tous soutenant l’énergie de leurs jeunes troupes avec des voix plus ou moins douces. Il y a des coups d’éclat, des moments de grâce suspendue, et aussi bien sûr, des ratés – heureusement pas de chutes – mais ils sont précieux pour tous car ils obligent les élèves à apprendre à dominer leurs émotions, tandis que le public prend la mesure des enjeux et réduit la dureté de son jugement sur les futurs professionnels.
Certains rient tout le temps, d’autres sont raidis par le désir de bien faire, certaines têtes se courbent ou s’élèvent, certains bras de développent avec une expressivité innée, d’autres récitent simplement les mouvements appris, mais tous avec le même engagement. Certains bondissent comme des gosses heureux, d’autres se sentent déjà aigles, princes et princesses. Et l’on a par exemple apprécié l’entrée presque humoristique de la première division garçons, se posant sur la scène comme un groupe de grands fauves, fiers de leurs épaules élargies, de leur prestance en regard de leurs cadets, dont les corps de danseurs émergent peu à peu de leur silhouettes de garçonnets. La partie masculine du contingent de l’année nous ayant d’ailleurs plus séduit que la féminine.
Bref, on est séduits, intéressés, parfois amusés et toujours touchés par cette somme d’efforts, de respect d’un art, de quête de beauté, face à ces jeunes gens courageux, portés par un idéal, et à l’engagement de leurs maîtres, dévoués jusqu’au bout de leurs fibres d’artistes.
Jacqueline Thuilleux
Photo © Svetlana Loboff / Opéra national de Paris
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