Journal

Diana Cooper en récital à Jeunes Talents (Hôtel de Soubise) – Poésie d’abord – Compte-rendu

 

 

On avait manqué le récital de Diana Cooper au Festival de Colmar en juillet dernier, puis lors de l’après-midi marathon des Pianissimes en octobre à la salle Cortot. Les échos plus que positifs de ces deux apparitions nous avaient décidé à ne surtout pas rater son passage dans la saison Jeunes Talents. Bien nous en a pris ! Cette jeune artiste (née en 1997) issue du CNSMDP (où elle a travaillé avec Jean-François Heisser et Marie-Josèphe Jude), puis passée par la classe de Rena Shereshevskaya à l’Ecole Normale et par l’Académie Jaroussky où elle a profité des conseils de Cédric Tiberghien, mérite d’être suivie de très près. Et promet de faire parler d’elle !
 
© DR
 
Le programme tout Chopin qu’elle donne à l’Hôtel de Soubise la confronte à quelques opus aussi célèbres que révélateurs du sens musical de leur interprète. Dès le début de la Ballade n° 2 on est frappé par un profond sens harmonique, une plénitude sonore, une expressivité de la main gauche qui vont de pair ensuite avec une approche exceptionnellement dominée des contrastes d’une pièce sur laquelle il est pourtant aisé de se casser les dents. Diana Cooper vise juste, sans jamais rien surjouer ; quel art des enchaînements, quelle puissance sans dureté.

On a là affaire à un vrai propos, tout comme dans la Sonate n° 2 « Funèbre ». D’emblée, la pianiste sait « ferrer » l’attention de l’auditeur. Sans l’emphase façon défilé-militaire-sur-la-Place-Rouge qu’on lui inflige souvent, la Marche funèbre, émaciée, secrète presque, avec un trio bouleversant (celui de Scherzo ne l’était pas moins), résume une interprétation intériorisée, anti-spectaculaire et d’une prenante force. Jusqu’au glaçant finale, ô combien maîtrisé (avec une grande économie dans l’usage de la pédale), pas un seul instant la technique supérieure de Diana Cooper n’éprouve le besoin de se montrer et ne se laisse prendre au piège de l’effet. Exit les « gros sentiments du cinématographe » que Wanda Landowska raillait chez certains interprètes du Polonais : poésie d’abord.

Racées et gorgées de suc harmonique, les quatre Mazurkas op. 30 mêlent fierté et nostalgie et assurent la transition vers le Chopin décanté de la décennie 1840. Les facilités digitales de la pianiste se mettent tout entières au service de la mobilité et des couleurs du Scherzo n° 4, volubile, miroitant à souhait.
La Barcarolle conclut et l’on n’est pas moins conquis par l’imagination sonore avec laquelle l’interprète distille la chimie harmonique de cette pièce inouïe. Magique ... Un nocturne et une étude, toujours de Chopin, en bis pour achever de combler l’auditoire : une fois de plus, Jeunes Talents a vu juste.
 
Diano Cooper prolonge actuellement ses études à Londres (auprès de Norma Fisher au Royal College of Music) et les occasions de l’entendre outre-Manche sont plus nombreuses qu’en France. Notez toutefois quelle fera partie du programme collectif « Carte blanche aux solistes de 3cycle Supérieur » au CNSMDP (Espace M. Fleuret) le 5 décembre prochain. (1)
 
Alain Cochard

 

(1) diana-cooper.com/concerts-2/
 
Paris, Hôtel de Soubise, 4 novembre 2023

Photo © Bartosz Seifert

Partager par emailImprimer

Derniers articles