Le piano et les interprètes de la nouvelle génération constituent l’un des axes principaux de la programmation musicale de la Fondation Louis Vuitton – une curiosité que l'on ne peut que louer dans un monde musical qui mise parfois ad nauseam sur les valeurs "sûres". Une fois de plus l’auditorium était comble pour le premier récital parisien de Dominic Chamot, jeune artiste suisso-allemand (né en 1995) que la France découvre, mais dont le nom ne saurait tarder à se répandre si l’on en juge par le niveau pianistique et musical de sa prestation.
 

© Fondation Louis Vuitton
 
 
Quand Liszt renaît
 
Après deux merveilleux Chopin/Liszt ( Zyczenie / Narceczony ) pour la mise en train, le voilà qui s’attaque à la Sonate en si mineur de Liszt. Partition mille fois entendue, elle semble renaître, elle se réinvente sous les doigts d’un pianiste qui ne mise jamais sur l’effet ou la «symphonisation » outrancière à laquelle elle peut prêter le flanc. Avec une simplicité et une force d’évidence remarquables, il rend continûment perceptible la logique interne de la musique. Pour autant, aucune maniaquerie du détail, ni de ce que l’on qualifierait d’intellectualisme : tout le génie lisztien, toute l’incessante tension vers le futur dont l'œuvre est porteuse sont là, son souffle, ses couleurs, avec, de la part de l’interprète, une disponibilité de l’esprit et du cœur – une émouvante manière d’acquiescer à la beauté – qui rendent l’écoute continûment passionnante.

 
Regards vers le passé
 
Un récital réussi, c’est aussi un programme cohérent et celui choisi par Dominic Chamot l’est au plus haut point. Après le Liszt, tourné vers l’avenir, les deux ouvrages placés en seconde partie regardent, chacun à sa manière, vers le passé. Les Variations Corelli de Rachmaninoff d’abord trouvent un interprète capable tout à la fois d’assumer l’ascétisme du Russe dernière manière et de traduire les caractères de la partition – avec quelle noblesse ! Le célèbre thème de la Folia est prétexte à une musique d’une nostalgie infinie où Sergueï Vasiliévitch regarde un passé – son passé – en train de s’enfuir ...
Une version qui n’est pas près de quitter notre mémoire, tout comme celle de La Valse de Ravel. La surcharge, le tape-à-l’œil sont souvent de mise dans cette pièce : on n’est que plus totalement saisi par la clarté, la fluidité arachnéennes de l’approche. Quant tant d’autres interprètes nous parlent de leurs doigts – et nous les montrent sous toutes les coutures ! – ceux de Dominic Chamot, exceptionnels pourtant, ne s’intéressent qu’à la musique et savent traduire l’effondrement d’un monde avec une insidieuse force. Grande soirée de piano certes, mais de musique avant tout.
 
Alain Cochard
 

> Les prochains concerts de piano en Ile-de-France <

(1) Dominic Chamot se produira salle Cortot le 7 avril 2025, lors du concert du programme Elite : sallecortot.com/event/concert-du-programme-elite-2025-de-lecole
et le 19 avril 2025 (12h30) dans des pages de Chopin/Liszt (Six Chants polonais) et Liszt (Sonate en si) : sallecortot.com/event/festival-elite-2025-dominic-chamot/