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Don Giovanni (production Arcal) au Théâtre de l’Athénée – Pari (gagnant !) sur la jeunesse – Compte-rendu
Don Giovanni se présente au Théâtre de l’Athénée sous l’égide de l’Arcal avec les forces instrumentales du Concert de la Loge. On se souvient qu’en 2014-2015, la compagnie lyrique avait déjà fait confiance à l’ensemble, alors naissant, de Julien Chauvin pour une très belle Armida de Haydn.(1) Que de chemin parcouru par le violoniste-chef et ses troupes en l’espace d’une décennie ! Les voilà donc de retour à l’Arcal pour une production servie par une équipe de jeunes chanteurs d’une exceptionnelle homogénéité dans l’excellence. C’est à Julien Chauvin qu’est revenu de choisir parmi le 480 (!) candidats à ce projet mozartien la fine fleur de la génération montante du chant français (âge moyen : 30 ans). Un pari sur la jeunesse, pleinement gagnant !
© Simon Gosselin
Jean-Yves Ruf laisse l’orchestre occuper la scène, dominée par une passerelle. Les chanteurs vont et viennent par un escalier entre celle-ci et le plateau, sans autre décor dans la scénographie de Laure Pichat – une économie de moyens parfaitement adaptée à l’itinérance des spectacles de l’Arcal. L’effet est particulièrement réussi, avec une franche animation dans des costumes appropriés (Claudia Jenatsch) et quelques significatifs jeux de lumière (Victor Egéa). Et l’action mettant aux prises le dissoluto et ses conquêtes ne montre pas un seul temps mort, ce malgré quelques coupures dans l’œuvre, comme la musique de scène qui accompagne le repas de Don Giovanni (tirée de Una Cosa rara de Martín y Soler), ou plus contestable, la scène finale.
Timothée Varon (Don Giovanni) et Margaux Poguet (Donna Elvira)
Margaux Poguet (Donna Elvira) épanche vaillamment son beau soprano, sachant traduire avec sensilité la blessure d’une âme trahie, tandis que le baryton Timothée Varon (photo à dr. ), sans jamais forcer le trait, sert le rôle-titre avec toute la richesse de son timbre. Une originale incarnation, à rebours de conceptions plus univoques – et un talent à suivre de près ! Distribution parfaite de bout en bout, où l’on ne saurait déceler le début du commencement d’un point faible. Il faut tout autant saluer le Leporello de l’ardent Adrien Fournaison (photo à g.), aussi bon chanteur que comédien, la noble délicatesse d’Abel Zamora en Don Ottavio, la Donna Anna vibrante et nuancée de Marianne Croux, la Zerlina de Michèle Bréant ou le Masetto de la basse Mathieu Gourlet qui, comme la précédente apporte, par la beauté son instrument et l’intelligence de son jeu, une épaisseur humaine inhabituelle à son personnage. On n’oublie pas, évidemment, le splendide Commandeur de l’impressionnante basse Nathanaël Tavernier. Bien constitué, le petit chœur réunit Inès Lorans (sop.), Alexia Macbeth (mezz.), Corentin Backès (tén.) et Samuel Guibal (bar.-b.)
Marianne Croux (Donna Anna), Abel Zamora (Don Ottavio), Timothée Varon (Don Giovanni), Margaux Poguet (Donna Elvira), Michèle Bréant (Zerlina), Adrien Fournaison (Leporello) & Mathieu Gourlet (Masetto) © Simon Gosselin
Le Concert de la Loge ne faillit pas dans un accompagnement précis et d’un juste équilibre avec les voix. On est aussi admiratif de la beauté des cordes que de celle des vents – l’excellence des cors résumant la tenue exemplaire de tous les souffleurs. Plutôt qu’un clavecin, un pianoforte carré de 1830 (modèle d’époque), impeccablement tenu par Mathieu Dupouy, a été choisi pour l’accompagnement des récitatifs et apporte une couleur singulière. Les musiciens sont sur scène on l’a dit : la conjonction en un même espace de la vitalité et de l’intelligence dramatique que Julien Chauvin – qui dirige du violon comme il en a l’habitude – imprime au jeu orchestral et de celle du jeu d’acteur fait mouche. Un spectacle à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire pourtant longue et riche de l’Arcal (la compagnie fut fondée en 1983 par Christian Gangneron).
Micèle Bréant (Zerlina) et Mathieu Gourlet (Masetto)
Vous avez manqué la série de l’Athénée ? Rassurez-vous, des reprises sont déjà programmées la saison prochaine à Massy, Tourcoing et Clermont-Ferrand ; on ne doute pas que cette liste s’allongera. Directeurs de théâtre, vous souhaitez programmer de l’opéra en des temps budgétairement très serrés ? Une réponse d’une qualité peu commune s’offre à vous, servie par des voix dont on entendra vite reparler.
Pierre-René Serna
> Voir les prochains opéras de Mozart <
Mozart : Don Giovanni - Paris, Théâtre de l’Athénée, 15 novembre ; prochaines représentations les 19, 20, 22 et 23 novembre 2024 // www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/don-giovanni-.htm
Reprises : Opéra de Massy (13, 14 et 15 décembre 2025) ; Atelier Lyrique de Tourcoing (17 et 18 janvier 2026) ; Clermont Auvergne Opéra (24 ou 25, et 26 avril 2026).
Photo © Simon Gosselin
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