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DVD : Alfred Brendel joue et commente les grandes œuvres pianistiques de Franz Schubert
Nous sommes en 1976, Alfred Brendel entre dans les studios de la Radio-Télévision de Brême pour enregistrer devant les micros et les caméras un projet qui alors lui tenait plus que tout autre à cœur : jouer, mais aussi présenter et expliquer les grandes partitions pianistiques de Schubert, un auteur dont il portait alors, quasiment seul, l’encore timide résurrection. En effet, depuis les efforts de Friedrich Wührer dans les années cinquante – première intégrale au disque pour Vox, premier cycle intégral de l’œuvre pianistique à deux mains à Graz puis à Vienne - qui reprenait alors le flambeau là où l’avait laissé Arthur Schnabel, l’œuvre pianistique était en déshérence.
On ne jouait plus que quelques pages célèbres, et parmi les sonates seule l’ultime était parfois donnée en concert. Si Wilhelm Kempff, Claudio Arrau et surtout Lili Kraus inscrivaient souvent quelques pages à leurs concerts, ils ne présentèrent jamais un cycle de vaste envergure en public (et même si Kempff grava tardivement une intégrale des sonates, il la réserva au seul disque). Aux côtés de Brendel, pour tout dire un peu dans son ombre, seul Paul Badura Skoda oeuvra avec une telle ferveur. En 1976, Brendel thésaurise l’effet planétaire de ses disques parus chez Philips au début des années 70 : les tournées de concert entièrement consacrées à Schubert remplissent les plus grandes salles, les mélomanes redécouvrent tout un pan de l’histoire pianistique masqué jusqu’alors par le massif des 32 sonates de Beethoven.
Pour la caméra, Brendel peut enfin resituer le piano de Schubert dans une perspective historique, et en expliquer les beautés singulières. Son discours n’est jamais théorique, il l’illustre de maints exemples musicaux, insiste souvent sur les origines hongroises et moraves des thèmes mis en œuvre, recompose le paysage pianistique de la Vienne d’alors et souligne l’aspect visionnaire de bien des pièces. Musicalement, le résultat est supérieur aux disques Philips antérieurs, tout d’abord par le splendide Steinway joué et surtout capté par une prise de son naturelle, dont est bannie l’abondante réverbération affectionnée par les ingénieurs du label néerlandais. Brendel à également mûri ses interprétations, ce qui est particulièrement sensible dans les Klavierstücke, ou la Sonate D. 959. En bref, on tient là une sorte de bible pour qui voudra connaître tous les secrets du plus intime de l’œuvre schubertien.
Jean-Charles Hoffelé
Fantaisie Wanderer, Impromptus D 899 et D. 935, Drei Klavierstücke D. 946, Moments Musicaux D. 780, Sonates D. 784, D. 840, D. 845, D. 850, D. 894, D.958, D. 959, D. 960 Alfred Brendel, piano (1976, 1977). Un coffret de 5 DVD Euroarts.
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