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Emiliano Gonzalez Toro, Zachary Wilder et l’Ensemble I Gemelli à la salle Gaveau – A deux c’est mieux — Compte-rendu
Un miracle ! On avait fini par croire la salle Gaveau encroûtée à jamais dans l’archi-dépassé horaire de 20h30 et les entractes XL ... et voilà qu’Emiliano Gonzalez Toro (photo à dr.), Zachary Wilder (photo à g.) et l’Ensemble I Gemelli viennent de nous y offrir une soirée d’un seul tenant commencée à 20h, d’un parfait équilibre, qui fêtait la sortie du premier enregistrement d’I Gemelli sous son propre label (Gemelli Factory) : « A room of mirrors ».
Comme cet intitulé – qui est aussi celui du concert – ne le laisse pas immédiatement supposer, on a là affaire en totalité à des pièces italiennes du XVIIe siècle, fort bien choisies et organisées autour du thème de la gémellité des voix (de ténor), du double, de l’écho, du jeu de miroirs. Castaldi, Turini, Calestani, D’India, Notari, Sabbatini, etc. : formée de pages d’auteurs généralement méconnus, la sélection n’a toutefois rien d’une visite de musée tant les deux chanteurs, aux timbres distincts mais idéalement complémentaires, et leurs instrumentistes s’engagent avec une intelligence stylistique que n’a d’égal que la liberté de ton et le naturel de leur propos.
D’entrée de jeu, l’ardent duo Quella che tanto de Castaldi donne le ton : vieille de quatre siècles la musique semble littéralement naître à nos oreilles, avec feu ici, ou de manière plus intimiste et douloureuse avec le Dove ten’vai de Turini qui suit, dans lequel les chanteurs explorent une large palette de nuances – elle trouvera bien d’autres occasions de s’illustrer. Beaucoup de duos au programme, des solos aussi, qui n’enchantent pas moins ; telle cette Vecchia innamorata de Marini que Z. Wilder transforme en une savoureuse saynète par son sens du caractère et sa présence scénique, ou encore l’intimiste Se l’aura spira de Frescobaldi, accompagnée de la seule harpe, qu’E. Gonzalez Toro chante, vit plutôt, avec une secrète intensité.
© DR
Rien ce de que les deux ténors nous offrent ne serait possible sans l’excellence des musiciens avec lesquels ils dialoguent. On n'apprécie que plus les quelques pièces instrumentales qui parsèment le concert. Moment de grâce pure : quelle leçon de chant la guitare rêveuse de Nacho Laguna offre-t-elle au commencement de la Folia echa para mi señora de Falconieri, avant que la pièce ne s’emballe et ne s'embrase dans une débauche de rythmes et de timbres.
Présentant leur programme au fur et à mesure, les chanteurs insistent sur l’amour qu’ils éprouvent pour la musique de Sigismondo d’India (1582-1629). Le compositeur sicilien se taille la part du lion avec quatre pièces ; nul ne songe à s’en plaindre en découvrant les deux ténors dans le Dialogo della rosa, finement nuancé, qualité qui appartient autant à deux déplorations d’une noble et prégnante poésie : Piangono al pianger mio par Z. Wilder et Giunto alla tomba par E. Gonzalez Toro, les deux violes (Julien Léonard, Louise Pierrard) rivalisant pour leur part de lyrisme dans une version instrumentale de Langue al vostro languir.
Le duo Folgori Giove de Sabattini conclut la fête de la plus flamboyante manière. Quant au bis, un duo tiré du Couronnement de Poppée, il ravit musicalement et par l’excellente nouvelle qu’il apporte : le prochain enregistrement d’I Gemelli sera consacré à cet opéra de Monteverdi, faisant suite à un Orfeo très remarqué (sorti il y a deux ans chez Naïve). Inutile d’ajouter que l’on guette impatiemment cette Incoronazione. Pour l'heure, découvrez sans attendre "A room of mirrors" ; avec cette première référence, le catalogue Gemelli Factory s'ouvre en beauté !
Alain Cochard
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