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En attendant Yerma - Magdalena de Heitor Villa-Lobos en création française au Châtelet
On ne sait rien de la production théâtrale d’Heitor Villa-Lobos (1887-1959), même en France où il dirigea si souvent ses propres œuvres (1). Quatre opéras ont survécu à son catalogue (tous les ouvrages lyriques de jeunesse sont perdus ou détruits, mais ils furent, de l’aveu même du compositeur, pour l’essentiel réemployés dans le premier opéra de la maturité, Izaht), dont un chef-d’œuvre donné parfois en Allemagne, Yerma. Tous tissent sur le même fond de confrontation des cultures indiennes et européennes, voire de métissage, et de conflits sociaux des intrigues abracadabrantesques. Si Izaht, A menina das nuvens et Yerma ont un impact dramatique certain, Magadalena – ne croyez pas en une héroïne introuvable à la lecture de la distribution, il s’agit de la rivière qui coule en dessous de la mine et sur laquelle se déroule la fête du premier acte – est une pure comédie.
L’argument absolument déjanté et brouillon aurait pu être signé par Jorge Amado : un peu de critique sociale post-marxiste – une grève fomentée par les indiens Mujoz, évidemment christianisés, qui paralyse la mine - une référence aux indiens païens, les bons sauvages primitifs, les Chivors, qui dérobent la statue de la vierge, un général exploiteur (Carabena), une pincée de féminisme puisque les Mujoz sont dirigés par Maria, leur « Jefa », une histoire d’amour heureuse, qui garantit le happy end (celle de Maria et du chauffeur de bus Pedro), une autre malheureuse mais traitée sur le mode grotesque (celle de Teresa et du Général), un attentat (le bus de Pedro en est la cible) une action située en Colombie et pour une scène à Paris. Fermez le shaker, agitez le tout et vous obtiendrez un musical assez désopilant, qui culmine dans une scène d’anthologie, où Teresa se venge de la trahison du Général en le gavant jusqu’à ce qu’il en meure !
Sur cet argument improbable Villa-Lobos a déployé son plus bel orchestre, plein d’entrain rythmique et de surprises instrumentales, mais il a avant tout composé une œuvre aux exactes mesures de ce que la comédie musicale américaine demandait alors. L’ouvrage connut une relative fortune à Broadway – à l’époque il fut jugé inutilement dispendieux et le livret fut assassiné – et ses songs sont rapidement devenus populaires.
Le Châtelet montera évidemment la version Broadway, en anglais – il en existe une variante en portugais avec un peu plus de musique d’orchestre – et l’on guettera avec intérêt la Teresa d’Aurélie Legay et le Général Carabena de François Leroux. On espère aussi beaucoup des couleurs avivés de l’Orchestre symphonique de Navarre dirigé par Sébastien Rouland. Mais après cette partition somme toute secondaire – on peut en apprécier la juste valeur par un enregistrement toujours disponible aux USA (2) – on espère qu’une scène parisienne nous révèlera Yerma.
Jean-Charles Hoffelé
Heitor Villa-Lobos : Magdalena - Paris, Théâtre du Châtelet, les 18, 19, 20, 21 et 22 mai 2010
1) de la collaboration très étendue de Villa-Lobos avec les services musicaux de la Radiodiffusion Française, EMI a largement rendu compte dans une anthologie des œuvres orchestrales toujours disponible en CD (« Villa-Lobos par lui-même », EMI « les Introuvables » - CZS 7 67229 2). Villa-Lobos parvint à assembler le vaste effectif nécessaire à l’enregistrement de La découverte du Brésil, mais il n’eut jamais l’occasion de présenter un de ses ouvrages lyriques au public parisien. Notons que les Archives de l’INA conservent bon nombre de concerts dirigés par « l’Indien blanc » qui mériteraient une édition exhaustive ; même s’ils doublonnent pour partie les séances d’enregistrement consenties à EMI, leur impact est plus immédiat, outre qu’ils proposent nombre de partitions laissées de côté par le disque.
2) 1 CD Sony MK 44945
Pour en savoir plus sur Heitor Villa-Lobos, le public francophone se reportera à l’excellent ouvrage d’Anna Stella Schic - par ailleurs interprète inégalée de son œuvre pianistique publiée par Solstice (un coffret de 7 CD Solstice SOCD87/93) -, « Heitor Villa-Lobos, souvenirs de l’Indien blanc» (Actes Sud), biographie pétrie de souvenirs, la pianiste ayant bien connu le compositeur.
Le lecteur anglophone pourra se reporter à l’excellent travail, synthétique et documenté, de David P. Appleby, « Heitor Villa-Lobos, A Life » (Scarecrow Press). Signalons enfin que les Editions Bleu Nuit s’apprêtent à publier une monographie du Brésilien signée de l’excellent Rémi Jacobs.
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Photo : DR
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