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« En Bonne Compagnie », documentaire de Claudia Imbert & Anne Le Bozec – L’intelligence de la simplicité – Compte-rendu

 

Du 28 au 30 novembre, le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris organisait – sous l’intitulé « L’Autre Voix » – trois journées de rencontres, réflexions et concerts autour de « l’accompagnement musical sous toutes ses formes ». C’est aussi le sujet que la réalisatrice Claudia Imbert a entrepris de traiter dans « En Bonne Compagnie », un documentaire d’une grosse cinquantaine de minutes (produit par le CNSMDP) sur une idée originale d’Anne Le Bozec.
Le résultat s’avère remarquable de justesse, d’intelligence et, surtout, de simplicité. Comme l’a souligné le pianiste Florent Caroubi lors de la table ronde qui s’est tenue après les longs applaudissements enthousiastes du public, Claudia Imbert et Anne Le Bozec sont parvenues à montrer, à exprimer « toute la complexité que recouvre le mot accompagnement ». Des images pleines d’humanité, d’émotion, de drôlerie parfois aussi ...

Si le CNSMDP compte parmi les lieux du tournage, bien d’autres ont été utilisés, du cours des danseurs étoiles à l’Opéra de Paris (car l’accompagnement du danseur n’a pas été oublié ; on commence même par lui !) à une modeste chambre d’étudiante, en passant par le CRR de Reims, le Conservatoire du 13e arrondissement ou le studio de répétition du Trio Karénine. L’accompagnement sous tous ses visages : si l’on découvre un chanteur célèbre tel que le baryton-basse Christian Immler, au côté d'Anne Le Bozec dans Hugo Wolf, des aspects bien plus modestes, inattendus parfois, du travail d’accompagnateur sont abordés au cours d’un documentaire d’une grande fluidité faisant appel à de nombreux intervenants. L’accompagnement des étudiants instrumentistes ou chanteurs dans les conservatoires – ce dès les premiers niveaux – est aussi mis en valeur et, partant, son rôle crucial dans la progression de l’élève.

Quel que soit le niveau de l’ «accompagné », « En Bonne Compagnie » ne cède jamais au bavardage ni à la pédanterie. Tout passe, tout se fait évidence, avec des mots simples, des images parlantes. Tel le violoncelliste Louis Rodde (membre du Trio Karénine et professeur) qui explique la mécanique du partage chambriste en soulignant « qu’il y a de l’oxygène pour tout le monde », qu’il faut « savoir être poreux au signaux que les autres envoient ».
On n’est pas moins admiratif de l’aptitude de la caméra de Claudia Imbert à faire ressentir ce qui relève du non-dit dans la relation de l’accompagnateur avec son partenaire. Et à propos de non-dit, le regard plein d’infini d’Anne Le Bozec durant les secondes qui suivent le moment où elle évoque le « phénomène de conscience partagée » unissant le pianiste au chanteur offre un je-ne-sais-quoi de proprement vertigineux. Un moment de grâce qui en dit plus du sujet abordé, de l’alchimie d’une relation musicale et humaine que ne le feraient des centaines de pages de philosophie ou de musicologie ...

Puisse « En Bonne Compagnie » être diffusé dans tous les conservatoires de France. Quant à la télévision, un travail de vulgarisation de ce niveau ne pourrait qu’y faire beaucoup d’heureux – et très au-delà du public a priori intéressé. Croisons les doigts. Dans tout les cas, la force et la pertinence du travail de Claudia Imbert et Anne Le Bozec ne pourront que contribuer à l’amélioration de l’image (et des rémunérations) de musiciens indispensables mais pas toujours considérés comme il le faudrait (le sujet a été abordé durant la table ronde et des étudiants sont venus faire part de leurs inquiétudes pour l’avenir).

Alain Cochard
 

> Les prochains concerts de musique vocale en Ile-de-France <

Paris, CNSMDP, salle René-Pflimlin, 28 novembre 2024

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