Anniversaire oblige – les cent trente ans de la naissance du compositeur – Esa Pekka Salonen et le Philharmonia entament un bref cycle Bartok en couplant deux chefs-d’œuvre qui n’ont rien à voir : les glacis de la Musique pour cordes, percussion et célesta s’opposent presque à la mise en abîme du Château de Barbe-Bleue. On subodore déjà les contrastes que le chef finlandais tirera de cette opposition fatale et c’est d’abord pour lui qu’on ira, d’autant qu’il entretient avec le Phiharmonia une complicité parfaite.
Voici plusieurs saisons qu’ensemble ils parcourent la musique du début du XXe siècle. Après s’être longuement attardés sur la Seconde école de Vienne - on se souvient encore de leur transcendante Symphonie Lyrique de Zemlinsky au Théâtre des Champs-Elysées - Bartok semblait la prochaine étape obligée.
Si d’évidence on entend le style Salonen dans la Musique pour cordes, percussion et célesta, comment éclairera-t-il l’orchestre sombre et touffu du Château ? Bartok y utilise le grand instrument romantique pour tordre justement le cou à la tradition. Opéra noir, horrifique, un monolithe qui balise l’histoire de la musique au XXe siècle et s’inscrit hors des modes, dans le temps historique. John Tomlinson connaît tout du personnage, il l’a chanté tant de fois ! Michelle de Young, bel instrument un peu froid, saura-t-elle trouver les accents de Judith ? Salonen les poussera-t-il l’un comme l’autre dans leurs retranchements, leur faisant enfin avouer leurs personnages ? Qui ira saura. Carole Bouquet se charge du récitant, quel luxe ! On voit qu’on est avenue Montaigne.

Jean-Charles Hoffelé




Philharmonia Orchestra, dir Esa Pekka Salonen

Œuvres de Bartok

15 novembre – 20h

Paris - Théâtre des Champs-Elysées



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Photo : DR