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Exposition / La Belle Epoque de Massenet au Palais Garnier - Le Jules de ces dames - Compte-rendu


Il détestait son prénom, c’est pourquoi, délicatement, les commissaires de l’Exposition qui lui est consacrée par la BNF et l’Opéra de Paris dans les locaux du Palais Garnier, l’ont gommé dans leur titre ! Et la délicatesse est un mot qui va bien à l’auteur de Manon, laquelle on va redécouvrir le mois prochain dans une nouvelle production, et de Werther, qui fit se pâmer le public de Bastille il y a deux ans. Massenet est mort il y a bientôt un siècle, mais son œuvre, qu’on aurait pu croire liée à une époque qui se vautrait dans les langueurs, continue de séduire une autre époque, qui préfère le concept de glamour. Glissements subtils, mais même émotion, faite de trouble, de douceur, de finesse, et pas du tout de ces sucreries dont le méchant Léon Daudet accusait Massenet d’enrober son oeuvre.

Populaire, donc, de son temps, et énormément joué aujourd’hui, Massenet est ici offert au visiteur en un parcours d’une centaine de précieux documents qui racontent ses opéras, ses interprètes, ses amitiés. Photos, lithos, affiches dont la sublime signée Rochegrosse pour Don Quichotte, maquettes et esquisses de décor. Mais aussi des objets modestes, comme son encrier, sa baguette, ses lunettes qui racontent aussi l’homme discret, tourmenté et fidèle qu’était le compositeur, superstitieux aussi, car le chiffre 13 était toujours remplacé chez lui par 12 bis.

Incontestablement, c’est à une galerie de belles dames que l’on s’attache en premier, car plusieurs sont éblouissantes, rondes et voluptueuses comme Lucy Arbel dans Bacchus, l’exquise Georgette Leblanc en Thaïs à Bruxelles, ou la divine Sybil Sanderson. Des figures masculines émaillent le parcours, mais aucune n’est évidemment plus savoureuse que celle de Chaliapine, dont Massenet aima peu la prestation en Don Quichotte à Monte Carlo, l’accusant de vampiriser le rôle et de détourner la musique. Son masque croqué par Henri Cain en 1910 est prodigieux. D’affiches en costumes, qui donnent un peu de chair à ces documents- celui de Jonas Kaufmann dans Werther, de Renée Fleming en Manon, tiare de Sybil Sanderson dans Esclarmonde -, on ondule dans un royaume de petites femmes et de grandes dames, de princesses d’orient et de grisettes, comme en un vaste boudoir. Mais Christophe Ghristi, dans le superbe livre qui accompagne l’exposition chez Gourcuff-Gradenigo, a bien raison de faire remarquer qu’il est aussi chez Massenet un élément subtil à considérer avec attention : c’est sa profondeur, si évidente dans l’air des larmes de la Charlotte de Werther, si désolé, si simplement évident. On est là beaucoup plus loin que l’ouvrage de dames.

Jacqueline Thuilleux

Bibliothèque-Musée de l’Opéra- Palais Garnier. Jusqu’au 13 mai 2012

A lire : La Belle époque de Massenet, sous la direction de Mathias Auclair et Christophe Ghristi (240 pages, 230 illustrations, 39€. Editions Gourcuff- Gradenigo)

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Photo : DR

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