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The Fairy Queen à Tourcoing – The Crown, Saison 9 trois quarts – Compte-rendu
Boris Johnson faisant la cour à Lady Di, Margaret Thatcher folle de danse et accro au thé, le Prince Charles jouant du tambour avec la même ardeur qu’un lapin Duracell, un quarteron d’écolières anglaises « filled to the brim with girlish glee », Elizabeth II nonagénaire visitant les ruines de la cathédrale de Coventry reconstruite dans les années 1960… Dans quelle improbable saison de la série The Crown pourra-t-on voir des choses pareilles ? Dans la saison « 9 trois quarts », peut-être, car c’est bien à la magie de Harry Potter que semble avoir recouru Jean-Philippe Desrousseaux pour sa mise en scène de The Fairy Queen, où il arrive à raconter Le Songe d’une nuit d’été, avec de vrais morceaux de Shakespeare dedans, tout en incluant bien sûr les divertissements ajoutés par Purcell, et non sans saupoudrer son spectacle de tous les ingrédients qui forment l’image de l’Angleterre que peut avoir le public français (il n’y manque guère que le héros de J.K. Rowling mentionné plus haut).
© Frédéric Iovino
On se demande d’abord comment la sauce prendra entre le parlé, le chanté, le dansé, mais l’on est vite rassuré, et surtout l’on rit beaucoup tout au long de la belle soirée que l’on passe à l’Atelier Lyrique de Tourcoing, notamment grâce aux costumes délicieusement loufoques d’Alice Touvel mêlant un peu toutes les époques qui ont fait la gloire du Royaume-Uni. Et tout se termine par un hommage au grand Will, dont le buste vient occuper le centre de la scène.
Il faut aussi saluer toutes les bonnes idées qu’a eues Alexis Kossenko pour concocter sa version très historiquement informée du semi-opéra de Purcell : Les Ambassadeurs – La Grande Ecurie offrent en effet des sonorités bien différentes de ce que l’on a l’habitude d’entendre dans ce répertoire, notamment en rendant aux vents un rôle primordial (le hautbois solo, Antoine Torunczyk, se taille un beau succès lors des applaudissements).
© Frédéric Iovino
C’est une non moins excellente idée que de se dispenser de falsettistes et de leur préférer des haute-contres, surtout lorsque l’on dispose d’un artiste tel que Robert Getchell, admirable dans chacune de ses interventions et capable de déclamer le texte d’Obéron. Doté d’une projection un rien moins brillante, Benedict Hymas est assez incroyable en Lady Di alias Mopsa (le duo avec Corydon réussit à être drôle sans vulgarité, ce qui est assez rare pour qu’on le souligne) et surtout alias Puck, un Puck délicieusement empoté et à la pointe d’accent britannique non moins délicieuse. Méconnaissable sous sa perruque à la Boris J, Alain Buet propose une prestation savoureuse de bout en bout, aussi à l’aise dans le comique du Poète ivre que dans la gravité du Sommeil ou de l’Hymen. Du côté des dames, Rachel Redmond possède cette qualité devenue si rare : le sourire dans la voix, qu’elle combine à un timbre clair mais charnu à souhait, et à une diction impeccable. Belle comme Marisa Berenson dans Barry Lyndon, Titania semble sorte d’un portrait de Reynolds ou de Gainsborough, et Coline Dutilleul prête à la reine des fées une sensualité fascinante qui fait merveille notamment dans « The Plaint ».
Alexis Kossenko @ DR
Autour de ces cinq solistes s’affairent avec talent tous les artistes formant le choeur : quatre écolières/fées (Alice Pech, Irina Golovina, Magali Aguirre Zubiri et Audrey Dandeville) et Sa Très Gracieuse Majesté en personne (Chantal Cousin), ainsi que les jardiniers Victor Duclos, Linfeng Zhu et François Mulard, devenus respectivement Lysandre, Hermia et Héléna, ces deux derniers offrant une version cocasse de la pratique élisabéthaine du travesti. Et le spectacle ne serait pas ce qu’il est sans ceux qui ne chantent pas : d’abord l’extraordinaire Miss Maggie dansée par Steven Player, bien sûr, mais aussi l’unique comédien à part entière, Vincent Violette, meneur de jeu qui ouvre et ferme la soirée, sans oublier le marionnettiste Jack Ketch pour le bref numéro de « Punch and Judy ». Espérons que cette réussite pourra se transporter ailleurs en France et contribuer au rayonnement de l’institution tourquennoise.
Laurent Bury
Henry Purcell : The Fairy Queen – Tourcoing, Atelier Lyrique, Théâtre Municipal R. Devos, 25 février, 20h ; dernière représentation le 27 février 2022 (15h30)
// www.atelierlyriquedetourcoing.fr/the-fairy-queen-24-25-27-fevrie-2022/
Photo © Frédéric Iovino
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