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Faust selon Jean-Louis Martinoty à l’Opéra Bastille - Bonne moyenne - Compte-rendu
Ce nouveau Faust de Gounod affiché par Nicolas Joel à l’Opéra Bastille ne marquera pas notre époque comme l’avait fait il y a trente-six ans la production signée par Jorge Lavelli avec son Méphisto sans plume au chapeau et ses soldats éclopés et peu glorieux. Son successeur Jean-Louis Martinoty lui donne d’ailleurs un joli coup de chapeau en alignant une brochette de « gueules cassées » au retour des soldats, et ne récolte que quelques maigres huées pour avoir guillotiné la malheureuse Marguerite, rapprochant - allez savoir pourquoi ! - son destin d’infanticide de celui des carmélites de Poulenc…
Car tout est parfaitement professionnel sur le plateau comme dans la fosse et malgré le bruit médiatique produit par le départ du chef Alain Lombard opposé et exposé aux caprices du ténor vedette Roberto Alagna, le public s’est montré satisfait d’un spectacle dont la deuxième représentation tint lieu de « première » en raison d’une grève des machinistes le 22 septembre : les bonnes habitudes ne se perdent pas ! A ce propos, on a noté avec stupéfaction des bruits de voix intempestifs de techniciens énervés – un comble dans ce parangon d’« Opéra moderne » temple de la technologie de pointe ! – lors de changements de décors récalcitrants. Broutille. L’essentiel reste que les Choeurs s’en sont donnés à cœur joie, que les solistes dans leur grande majorité ont été remarquablement compréhensibles et surtout que l’Orchestre a frisé la perfection.
Dès lors, comment cela ne suffirait-il pas ? C’est que Gounod reste Gounod et les tunnels des tunnels… C’est là qu’il faut un chef qui sache jeter des ponts par-dessus les passages à vide de la partition. Rattrapant à la volée la baguette lâchée par Alain Lombard, son cadet Alain Altinoglu est un homme de rigueur, qui sait mettre les chanteurs en sécurité : cela suffit à Roberto Alagna, mais pas à Gounod. Au reste, il n’évitera pas la fatigue du ténor vedette qui sera à la peine dans la Nuit de Walpurgis au début du 5è acte. Il faut dire qu’il ne s’était pas ménagé auparavant, usant généreusement du coup de glotte qui assure l’assentiment du public. Il y a aussi les duos, et on imagine que Lombard avait une idée précise de ce qu’il voulait obtenir de ses chanteurs…
Bref, l’unité stylistique pas plus que le feu dramatique ne sont jamais venus de la fosse, et rarement du plateau, quels que soient par ailleurs les mérites vocaux des uns et des autres. Ceux d’Alagna sont connus : bravoure, jeunesse du timbre et du jeu, diction parfaite. Pour la poésie et la méditation, c’est une autre histoire. Son mauvais génie est campé avec une élégante prestance par l’excellent Paul Gay, mais avec les limites d’un Méphisto baryton auquel il manque ce grave qui exalte les airs de Gounod et fait trembler les foules. Le baryton grec Tassis Christoyannis est un superbe Valentin, la mezzo Marie-Ange Todorovitch une Dame Marthe de grand style. La Marguerite d’Inva Mula attend le dernier acte pour sortir le grand jeu : dommage.
On attendait beaucoup de Jean-Louis Martinoty pour renouveler l’approche de l’œuvre. Son immense culture qui se reflète dans le non moins immense arc de cercle qui délimite l’aire de jeu et accueille après les livres les différents lieux de l’intrigue, le trahit par l’accumulation des éléments de décors et des allusions. Il prétend lire le livret, ce qui est louable. Mais un siècle et demi après la création, il ne faut pas trop charger la barque, surtout pour un résultat dramaturgique minimal, mis à part les deux actes extrêmes. Le premier part très fort grâce à de vrais coups de théâtre et d’abord l’apparition du jeune Faust en la personne d’un Alagna jaillissant d’une cornue au nez du vieux Faust campé et chanté pour ses dernières mesures par Remy Corrazza.
A l’acte V, l’irruption de la guillotine est plus anticléricale que poétique… C’est surtout une façon facile d’échapper à la bondieuserie de Gounod. Cela surprend après les visions insignifiantes du Veau d’or ou du sabbat de la Nuit de Walpurgis. C’est bien de ne pas tomber dans le cliché : il ne faut pas pour autant dénerver la bête !
Jacques Doucelin
Gounod : Faust - Opéra Bastille, 28 septembre, prochaines représentations : 1er, 4, 7, 10, 13, 16, 19, 22, 25 octobre 2011.
www.operadeparis.fr
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Photo : Opéra national de Paris/ Charles Duprat
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