Journal
Fervaal de Vincent d’Indy au Festival Radio France Occitanie Montpellier – Le retour du "Parsifal français"
Deuxième dans la chronologie des trois ouvrages lyriques du compositeur – entre Le Chant de la cloche (1879-1883) et L’Etranger (1898-1901) – sa création se tint à La Monnaie de Bruxelles le 12 mars 1897 et il fut repris le 10 mai 1898 à Paris, à l’Opéra-Comique (provisoirement déplacé pour cause d’incendie au théâtre des Nations, place du Châtelet ; à l’emplacement de l’actuel théâtre de la Ville), sous « la noble, précise et souveraine direction »(2) d’André Messager. Un événement qui contribua d’ailleurs beaucoup à asseoir la réputation de grand chef d’orchestre de cet artiste (3).
Redonné à l’Opéra de Paris en 1912, toujours sous la baguette de Messager, Fervaal tomba ensuite dans l’oubli et, s’agissant de la France, n’a depuis connu que deux exécutions radiophoniques, en 1951 puis en 1962. Le disque conserve la mémoire de cette dernière (4), dirigée par Pierre-Michel Leconte, avec une distribution honorable mais un orchestre souvent dépassé par les difficultés de la partition. Ajoutons une prise de son médiocre et de nombreuses coupures : même ceux qui connaissent cet enregistrement n’ont qu’une connaissance très imparfaite de l’ouvrage. Elle suffit toutefois pour s’impatienter de la version de concert qui arrive à Montpellier. Fervaal y est en effet confié à un admirable chef, Michael Schønwandt (photo), qui, après un Simon Boccanegra très applaudi il y a peu, s’attaque avec enthousiasme à une partition inscrite dans la lignée des redécouvertes lyriques que le Festival de Radio France aime à proposer – fidélité aux habitudes de la si découvreuse ère Koering.
A partir d’Axel, ouvrage d'Esaïas Tegnér, D’Indy élabora un livret qui transfère l’action imaginée par l'écrivain suéduois dans la période médiévale et le midi de la France – du côté des ces Cévennes si chères au cœur du musicien ... Action désormais structurée autour de l’affrontement entre Celtes et Sarrasins, avec une conclusion qui abandonne la chute du héros dans un ravin, « simple anecdote scandinave » selon Léon Vallas (le premier biographe de D’Indy), pour la remplacer par « une ascension vers un ciel chrétien. [...] Eléments scandinaves et cévenols, fait historiques et légendaires, religions païenne et chrétienne, souvenirs wagnériens et intentions nationales, de tout cela l’amalgame ne fut pas facile, ajoute Vallas. Il demanda beaucoup de temps, de réflexion, de travail. » (5)
« Action musicale en 3 actes avec un prologue », Fervaal exige beaucoup de ses interprètes, à commencer par le rôle-titre. Homme de défis vocaux, Michael Spyres a accepté de relever celui-ci à Montpellier – « l’un des rôles les plus difficiles de toute la musique d’opéra », confie-t-il –, avec à ses côtés, en Gilhen, la fille du chef sarrasin, Gaëlle Arquez – qui change d’univers après sa splendide Iphigénie au TCE le mois dernier –, Jean-Sébastien Bou incarnant pour sa part le druide Arfagard et Elisabeth Jansson la déesse Kaïto. Quant aux 23 (!) autres rôles, parfois très modestes certes, il seront tenus par des chanteurs parmi lesquels on relève les noms d’Eric Huchet, François Piolino, Matthieu Lécroart, Anas Seguin, Rémy Mathieu, etc. Le chœur, qui aura fort à faire !, est celui de la Radio Lettone.
L’Orchestre National Montpellier Occitanie sera donc mené par son directeur musical, Michael Schønwandt, un artiste amoureux de la culture française et heureux de se lancer dans l’aventure de Fervaal. « D’Indy utilise un énorme orchestre, explique-t-il, et fait appel à des sonorités nouvelles, avec un quatuor de saxophones, un quatuor de bugles, un quatuor de saxhorns, une clarinette contrebasse qui joue un rôle très important, en particulier au deuxième acte. » D’Indy fait appel au système du leitmotiv, bien des rapprochements peuvent être faits entre les personnages de l’ultime drame musical de Wagner et ceux de Fervaal ; « Parsifal français » a-t-on dit ... « C’est passer à côté de ce que D’Indy a voulu faire que de ne considérer l’ouvrage que sous cet angle, insiste M. Schønwandt. A la différence de l’orchestre de Parsifal, d’abord situé dans le médium et le grave, celui de Fervaal présente un caractère plus brillant. Autre originalité, on y relève l’importance des quatuors, de clarinettes, de cors, de flûtes. Ces dernières ont beaucoup plus à faire que chez Wagner, ce qui renseigne sur les couleurs, bien plus claires, que D’Indy recherche dans Fervaal. »
« C’est une belle chose de motiver des musiciens français avec une telle partition, poursuit le maestro danois ; c’est un projet qui met la pression, mais une bonne pression ! » L’enjeu est de taille en effet car les micros de Radio France seront là pour faire de la soirée du 24 juillet un événement suivi très au-delà des frontières françaises et ... pour – enfin ! – immortaliser Fervaal au disque, dans une version « sans aucune coupure » précise M. Schønwandt. Sachons gré à Jean-Pierre Rousseau, patron du Festival Radio France Occitanie Montpellier, et à Warner de cette valeureuse entreprise patrimoniale.
Alain Cochard
(2)Catulle Mendès, Le Journal, 12 mai 1898
(3)Comme le souligne Christophe Mirambeau dans son indispensable « André Messager, le passeur du siècle » (Actes Sud/ Palazzetto Bru Zane)
(4)Disponible chez Malibran
(5)Léon Vallas : Vincent d’Indy ( Albin Michel, non réédité)
D’Indy : Fervaal
24 juillet 2019 – 20h
Montpellier – Le Corum-Opéra Berlioz
Diffusion en direct sur France Musique et en UER
lefestival.eu/montpellier/le-corum/opera-lyrique/v-dindy-fervaal
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