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Festival de Saintes - Toutes les couleurs de la musique – Compte-rendu
« Laissez-vous surprendre », tel est le slogan affiché par le Festival de Saintes dans une programmation alliant avec la même qualité les aspects les plus divers, de la Renaissance au contemporain.
Beatrice Rana @ Neda Navaee
Chez Beatrice Rana un jeu puissant et sûr s’affirme avec autorité, laissant percevoir un tempérament parfois débordant dans Chopin (Scherzo n°3 un rien précipité et Sonate « Funèbre » bien négociée mais aux limites de l’asphyxie). Si l’acoustique réverbérée de l’Abbaye aux Dames ne facilite pas le dosage des nuances, la pianiste n’en parvient pas moins à donner aux Etudes symphoniques de Schumann leur véritable dimension orchestrale. Sa détermination sans faille, son art de varier les climats, portent la marque d’une artiste en pleine possession de ses moyens.
Les trois Cantates de Bach BWV 4, 153 et 159 sont superbement défendues par Damien Guillon à la fois contre-ténor et chef du Banquet Céleste. L’exécution, épurée et vivante, présente un panorama suggestif de l’art du Cantor de Leipzig avec une intensité communicative qui réussit à rapprocher avec ferveur ces œuvres de l’esprit des futures Passions.
Le Jeune Orchestre de l'Abbaye aux Dames © Sébastien Laval
Le violoniste et chef Alexander Janiczek dynamise pour sa part le Jeune Orchestre de l’Abbaye aux Dames dans le Concerto en ré d’Igor Stravinski ou encore le Concerto pour violon en ré mineur de Mendelssohn, réalisation de jeunesse un rien académique. Par sa finesse, le soliste délivre toutefois une lecture d'une grâce aérienne. Les cordes sont ensuite chauffées à blanc pour une roborative Grande Fugue de Beethoven qui triomphe avec énergie de la complexité polyphonique.
Place au baroque dans un hommage au peintre Zurbarán. Les voix immatérielles du Huelgas Ensemble, dirigé par Paul van Nevel, emplissent les voûtes de la Cathédrale Saint-Pierre. Sensualité, truculence, mélancolie se succèdent au fil d’un florilège où le mysticisme le dispute au caractère profane.
Le Quatuor Zaïde (photo) apporte quant à lui au Quatuor op. 50 n°6 de Haydn une expression Sturm und Drang d’une belle homogénéité, et au Quatuor n°2 « Lettres intimes » de Janáček un lyrisme d’une tension quasi insoutenable. Le Quatuor op. 59 n°3 de Beethoven résiste quelque peu aux archets juvéniles d’une formation qui conjugue avec bonheur fluidité, élégance et clarté des plans aux dépens parfois de la densité sonore.
Le « Cabaret de curiosités » offre un moment de détente matinale dans l’Auditorium. Tout un âge d’or, du caf’conc’ parisien au Broadway de l’après-guerre, du Kabaret berlinois au cosmopolitisme des années 30, est passé en revue. Le ténor Christophe Crapez, à l’excellente diction, est secondé par le piano efficacement complice de Michel Maurer. L’humour au second degré convient avec bonheur à des partitions ludiques, tels Le joli boucher d’Hervé, Chanson à la charcutière de Terrasse, La bonne cuisine de Bernstein ou un extrait de l’Opéra de Quat’sous... En alternance, des danses pour clavier de Debussy, Stravinski ou Wolpe, apportent une note de légèreté dans cette exploration de territoires peu fréquentés où la curiosité répond à la quête d’exigence. La marque de fabrique du Festival de Saintes.
Michel Le Naour
Saintes, Abbaye aux Dames, Cathédrale Saint-Pierre, Auditorium, 17, 18 et 19 juillet 2014
Photo Quatuor Zaïde © La Jungle
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