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Florian Noack en récital à l’Auditorium du Louvre – Liens secrets – Compte-rendu
Les muses l’ont doté d’un sens musical peu ordinaire ... et ont eu la riche idée d’y ajouter une copieuse dose de curiosité ! Florian Noack (photo) n’est pas de ces pianistes dont le répertoire se borne à quelques opus éternellement ressassés ; chacun de ses récitals est une invitation à la découverte, à l’inattendu. Pour sa venue à l’Auditorium du Louvre, l’artiste belge a imaginé un programme autour de Robert Schumann dans lequel, à côté d’une réalisation pianistique très rare de celui-ci (les Etudes en forme de variations sur un thème de Beethoven WoO 31, de 1831-1835), on trouve des pages de Mendelssohn, Clara Schumann et Johannes Brahms, mais aussi de l’Anglais William Sterndale Bennett (1816-1875), ami de Mendelssohn, et de Theodor Kirchner (1823-1903), un proche des Schumann et de Brahms.
Cohérence historique soit, mais ce sont d’abord les liens secrets entre ses différents maillons qui font celle d’un programme exemplaire d’équilibre et d’inventivité. Les Etudes WoO 31 – sur le thème de l’Allegretto de la 7ème Symphonie de Beethoven – sont traitées avec autant d’expressivité que de fermeté du trait. Partition étonnante ! : plusieurs aspects des futures Etudes symphoniques s’annoncent, que l’interprète met remarquablement en valeur. Poésie et rigueur font bon ménage aussi dans le Prélude et fugue op. 35 n° 3 de Mendelssohn, qui conduit à Bennett et sa belle Romance en sol mineur op. 14 n° 3 dont la tendresse est aussi bien saisie que les accents plus passionnés. Romance encore, en si mineur, avec Clara Schumann. Musique amère, douloureuse – de 1856 ... – que Noack sert avec une émouvante pudeur et une palette de couleurs d’un raffinement extrême.
La musique de Kirchner mérite amplement le détour, par exemple les Nachtbilder op. 25, recueil de dix pièces dont le pianiste a retenu les nos 1, 5 et 9, trois extraits qui, défendus avec autant d’art, résument la veine romantique d’un opus fantasque et pétri d’étrangeté.
Le pianiste a gardé la pièce la plus extraordinaire pour la fin : les Variations sur une thème de Schumann op. 9 de Brahms ; l’un des sommets les plus méconnus, sinon le plus méconnu, de la production pour piano de cet auteur. Il n’a que 21 ans lorsqu’il écrit – sous le coup de la tentative de suicide de Schumann – cette partition géniale et anti-spectaculaire à souhait. Aucune triche possible, l’interprète est à nu : la manière dont Noack tient l’auditeur et l’entraîne jusqu’aux tréfonds du labyrinthe, le laissant gorge serrée sur les ténébreux accords ppp conclusifs de la 16e variation (Adagio) porte la signature d’un très grand poète du clavier.
Alain Cochard
Paris, Auditorium du Louvre, 7 février 2019
Photo © Danilo Floreani
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