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Francesco Tristano joue Bach – Jubilation pure – Compte-rendu
Samedi 23 novembre : Francesco Tristano retrouve le Festival L’Esprit du Piano à l’Auditorium de Bordeaux dans un programme « Bach and beyond » où, mêlant la musique de Bach à ses propres compositions, il ne fait que poursuivre le rêve qui l’anime depuis toujours : « je veux jouer Bach et ma musique » disait-il à son professeur de piano à l’âge de huit ans. Un musicien singulier que nous avions découvert en mars 2004 lors du Concours International d’Orléans. Le Prix Blanche Selva (le 1er de cette compétition) et trois prix « mention spéciale » (Samson François, Maurice Ohana et Ivan Spassov) étaient venus consacrer le formidable talent de Francesco Tristano Schlimé.
Ryuya Amao
Depuis plusieurs années, les prénoms suffisent à désigner un artiste qui – longue et élégante silhouette sur laquelle les années n’ont aucune prise – prend place sur scène devant un Steinway et un clavier de synthétiseur. Et la musique de Bach, la Partita n° 2 BWV 826 et la 1ère Suite française BWV 812, de s’insérer dans un programme d’une grosse heure, qui reprend par ailleurs repris plusieurs titres de l’album « Tokyo Stories » (Sony 2019) – Neon City, Chi No Oto, The Third Bridge at Nakameguro, Electric Mirror – mais aussi La Franciscana et une nouvelle version de Ciacona seconda (qui figurait sur l’album « On Early Music », Sony 2022). C’est d’abord au piano – fort bien – amplifié que les choses se passent, mais Francesco Tristano se tourne parfois vers le synthétiseur pour amener des couleurs, de climats différents au cours d’une soirée qui, de la première à la dernière note, de Bach à un univers nourri de jazz et d’électro se veut éloge de la pulsation rythmique. Hautement énergisant !
Reste que depuis quelques années, les amateurs de piano classique pouvaient avoir le sentiment que l’interprète délaissait ce rivage pour plutôt se consacrer à ses compositions. Il n’en est rien, qu’ils se rassurent. Grande nouvelle, Francesco Tristano entame un vaste projet Bach avec le label Naïve. En attendant la sortie des Suites françaises et anglaises, déjà en boîte, l’année prochaine, avant les Toccatas, elles aussi programmées, on peut déjà savourer l’intégrale des six Partitas.
Si la grisaille de l’automne et les médiocrités de l’époque vous assombrissent l’humeur, précipitez-vous sur cet enregistrement ! Bach au piano ? Francesco Tristano a d’évidence médité l’exemple d’un certain Gould, mais a surtout su totalement le dépasser pour affirmer une conception hautement personnelle avec la complicité d’un splendide Yamaha CFX de toute dernière génération - et des micros de Christoph Frommen. Et de quelle merveilleuse façon exploite-t-il les couleurs de son instrument au fil d’une interprétation d’une fascinante clarté polyphonique, appuyée sur une main gauche incroyable de présence et d’énergie vitale. Rythme, sens de la pulsation, de la danse sont des maîtres mots ici – et le résultat pour le moins étourdissant à cet égard ; jugez-en seulement par la Gigue de la 1ère Partita, fabuleux maelström d’étoiles ! Mais que de poésie trouve-t-on aussi sous des doigts qui savent faire chanter l’instrument sans jamais graisser le trait, ni céder à une quelconque pseudo-métaphysique.
« Equilibre tout-puissant de l’intellect et du sensible » : la formule de Suarès s’applique on ne peut mieux. Laissez vous prendre par ce Bach euphorisant au plus haut degré, vous ne le regretterez pas. Et ... vivement la suite !
Alain Cochard
> Les prochains concerts "JS Bach" en France <
(1) 2 CD Naïve V 8619
Bordeaux, Auditorium, 23 novembre 2024
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