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Geneviève Laurenceau, Nicolas Simon et l’Orchestre de Caen – Chant serein et incantation tribale – Compte-rendu
« Ce qui compte pour une musique, c’est d’être jouée et écoutée. Vous vous projetterez vous-même dans cette musique avec vos idées, vos inquiétudes, vos préoccupations personnelles ». Lorsqu’André Jolivet écrit ces lignes, en 1955 (1), il ne pense pas à ses propres compositions, mais à Beethoven auquel il vient de consacrer un livre. Pourtant cette invitation vaut aussi pour son œuvre, largement encore méconnue. Pour son Concerto pour violon en particulier, que Geneviève Laurenceau a donné avec l’orchestre de Caen sous la direction de son chef principal, Nicolas Simon, dans le cadre de la saison du Conservatoire et Orchestre de Caen.
A la création de cette œuvre le 27 février 1973 – par Luben Yordanoff (2) et l’Orchestre de Paris dirigé par Zdeněk Mácal –, Jacques Longchampt, critique au Monde, évoquait une « œuvre rude, austère par son écriture atonale, hérissée de difficultés techniques ». Cinquante années ont passé et le jugement que l’on peut porter sur ce concerto a bien évolué. Très difficile techniquement assurément, mais en aucun cas rude ou austère. Geneviève Laurenceau (photo) est l’une des rares violonistes à le jouer – avec une aisance et un brio confondants ! Elle arrive à faire oublier la virtuosité phénoménale exigée par la partition et en donne une interprétation lumineuse, où se mêlent, dans la plus parfaite harmonie, douceur et animalité, chant serein et incantation tribale.
Le concerto se divise classiquement en trois mouvements (Appassionato - Largo - Allegramente) ; l’orchestration est flamboyante (percussions, timbales, célesta, marimba, vibraphone, harpe, en plus des cordes, des bois et des cuivres) et surprenante aussi, à l’image d’un passage où le violon solo dialogue avec la caisse claire. La phalange caennaise, menée avec précision et souplesse par Nicolas Simon, tient parfaitement son rôle, qui est très délicat, et n’écrase jamais la soliste.
Dans les extraits du ballet Les Créatures de Prométhée de Beethoven, qui constituaient la première partie du programme, l’Orchestre de Caen et son chef ont fait montre d’une vaillance et d’un raffinement qui méritent toutes les louanges.
Thierry Geffrotin
(1) Publié en 1955 chez R. Masse, le Luwdwig van Beethoven d'André Jolivet est à présent disponible au sein des "Ecrits" du compositeur, publiés en 2006 chez Delatour / bit.ly/3WMJN1D
(2) Le Concerto pour violon aurait dû être créé par Leonid Kogan, qui se désista pour raisons de santé
Caen, Auditorium Jean-Pierre Dautel, 17 janvier 2023 // conservatoire-orchestre.caen.fr/lorchestre-de-caen-0
© Bernard Martinez
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