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Gérard Caussé, Renaud Capuçon et Edgar Moreau au Festival de Saint-Denis - L’harmonie par-delà les générations - Compte-rendu
Les archets tressés de trois virtuoses, chacun à la cime de son instrument, ont permis en un concert surprenant de relier le temps : de l’inventivité de Gérard Caussé, de la liberté de son souffle, on sait la trace unique, de la rigueur fine de Renaud Capuçon, dont le caractère décidé autant que l’élégance transparaissent de plus en plus dans ses interprétations, on suit l’évolution autant que la permanence, d’Edgar Moreau enfin, jeune prodige au son de velours, on découvre, après sa virtuosité transcendante, l’aptitude à ne vouloir que la seule musique, en regard de ses aînés. Une union à trois temps que celle de ces mousquetaires.
Gérard Caussé / © DR
D’abord quelques bémols obligés, sachant que l’enthousiasme seul tendrait à l’anesthésie : l’acoustique de la salle de la Légion d’Honneur connaît des faiblesses qu’on lui pardonne, lorsque la qualité instrumentale est telle, mais on regrette que les graves du violoncelle aient été comme absorbés, à moins que la réserve de Moreau, tout à l’écoute de ses aînés, n’y ait contribué un peu trop. Quant à l’équilibre du trio, il était incontestablement mené par l’archet impérieux de Capuçon, ce qui parfois en modifiait le sens, mais qui se plaindrait de telle splendeur et vigueur, accentuée, on l’a dit, par le contexte de la salle ?
Le programme, lui a un peu dérouté : d’entrée de jeu, au lieu du Trio à cordes D.581 de Schubert, œuvre majeure, on a eu le joli Trio D.471, esquisse ravissante, dans l’esprit mozartien, d’une pièce inachevée, dont il ne reste que trente mesures pour le deuxième mouvement. Un seul mouvement, donc, allegro, qui a permis de prendre la mesure de l’échange entre les trois musiciens, dont le son et le style commun se cherchaient. Puis le rare et si étonnant Duo pour violon et alto n°1 KV 423 de Mozart, où les fortes personnalités de Capuçon et de Caussé se mariaient librement autant qu’elles ricochaient, en un fascinant pas de deux, la masculinité pour le violon et la féminité pour l’alto.
Edgar Moreau / © FSD/Ch. Fillieule
Enfin la richesse toujours surprenante du Divertimento KV 563 de Mozart, où Moreau reprenait l’archet, avec plus d’intensité, et laissait échapper des traits, des phrases d’une musicalité aérée, toute en respiration profonde, tandis que Capuçon tenait une ligne royale et que Caussé s’épanouissait. Le tout en rebondissant comme des danseurs de corde sur l’élasticité, la souplesse de cette musique qui dit tout et son contraire, unissant joie et gravité, recueillement et fantaisie. Un régal à mille facettes.
Jacqueline Thuilleux
Festival de Saint-Denis, Légion d’Honneur, le 15 juin 2014
Photo Renaud Capuçon / © FSD/Ch. Fillieule
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