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Gigenis, The Generation of the Earth d’Akram Khan en création au Grand Théâtre de Provence – La quête des origines – Compte-rendu
Depuis un quart de siècle, Akram Khan (photo) fascine : presque toujours, en l’évoquant, reviennent les mots de « maître », comme si ce chercheur de toujours avait trouvé ! Une personnalité hors normes, un charisme qui ne laisse personne indifférent, même s’il semble se teinter d’une certaine autosatisfaction qui n’est peut-être qu’autodérision. Personnage insaisissable que ce londonien quinquagénaire, d’origine bengalaise, fruit des grandes mixités qui ont brouillé les pistes du XXe siècle et ouvert d’autres routes, et dont la personnalité a séduit les plus fameux artistes en tout genre, du théâtre et du cinéma à la musique et bien sûr la danse. Vony Sarfati, directrice des Productions qui portent fidèlement le travail du chorégraphe depuis longtemps, a sans doute pénétré dans cette citadelle où chaleur et introspection aboutissent à un style unique, où la virtuosité fait face à un art du silence et de l’immobilité, non à la japonaise certes, mais avec une intensité qui offre à ses créations, d’allure contemporaine, une force émotionnelle et une beauté plastique peu communes.
Akram Khan © Julien Benhamou
L’influence marquante de Peter Brook
A ce jour, voici que ce personnage inspiré et tourmenté opère un retour à ses sources, après avoir touché à tout : celles de son pays ancestral, dont il explora les traditions avec l’Anglais Peter Brook, dès ses treize ans, alors qu’il pratiquait le kathak, cette technique qui rapproche la danse indienne du flamenco avec ses grelots aux chevilles et ses enroulements de pieds et de poignets. Brook mettait alors en scène l’imposant Mahâbhârata et sa descente dans le récit théâtralisé pour toucher les occidentaux a marqué à vie le jeune Akram. A lui aujourd’hui de partir, lesté de cet héritage, vers sa propre perception de la triste épopée, qui conte malheurs, batailles et morts, pour dire à son tour son angoisse devant les douleurs du monde contemporain, dont il s’avère qu’elles ne diffèrent pas de celles, millénaires, du fameux récit. L’histoire, parmi cent aventures : celle d’une mère qui pleure l’un de ses fils, mort au combat et s’interroge sur le sens de sa vie et la façon dont elle doit l’interpréter en l’incorporant au grand mouvement du monde.
© Maxime Dos / Production Sarfati
Voyage dans un autre monde
Pour cette évocation, Akram Khan est allé chercher au plus vif des talents indiens, en réunissant une pléiade de danseurs fameux en leur pays, issus de styles divers, dont la bouleversante Kapila Venu, et soutenus par huit musiciens et chanteurs sur des pièces traditionnelles orchestrées par Jyotsna Prakash. Leur fusion, travaillée pendant quatre semaines au Studio Orsolina 28 près de Turin, dispense un charme prenant et douloureux, avec des performances gestuelles étonnantes, et déroulées en un récit dont on ne comprend pas toujours les différentes phases mais dont l’étagement en tableaux superbes emporte le spectateur dans un tout autre monde, dont il n’a plus envie de sortir.
© Maxime Dos / Production Sarfati
Les mystérieuses beautés de la danse indienne
D’où l’accueil enthousiaste que les spectateurs du Grand Théâtre de Provence, ont réservé à cette étrange descente dans les drames de l’humanité, contée avec une gestique et des codes qui leur sont étrangers, mais dont la vérité demeure. Retour aux mystérieuses beautés de la danse indienne, dont le public occidental s’est un peu déshabitué depuis les phases indianisantes des années 70, et dont Béjart fut un sublime représentant avec son Bhakti, fortement critiqué en Inde pour avoir utilisé et peut être détourné des litanies sacrées et mis en scène des dieux. Les spectateurs actuels lui préférant plutôt l’austérité japonaise et son purisme zen. Ici les costumes de Peggy Housset sont sobrement séduisants, les mouvements, surtout les claquements de mains, envoûtent par leur virtuosité, et le charme opère.
Suspendre le temps
Interrogé après le spectacle, qui évoluera au fil des mois, car il se met en place et que ce sont les interprètes qui lui donnent vie, avant d’aborder une tournée mondiale qui passera par Paris, Khan a déclaré vouloir suspendre le temps en se raccrochant à la tradition, dont l’essentiel doit survivre pour mieux accepter le présent, et « lutter contre la peur ». Comment évoluera-t-il ? Sur une colonne, comme un anachorète, où cueillant des fleurs au bord de la rivière de la quête suprême. On l’y suivra … car ce prodige de mobilité sait si bien s’arrêter…
Jacqueline Thuilleux
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A. Kahn : Gigenis, The Generation of the Earth (Création mondiale) – Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, le 31 août 2024.
Théâtre des Champs-Elysées, Paris, du 11 au 14 janvier 2025 // www.theatrechampselysees.fr/saison-2024-2025/akram-khan-gigenis
Photo © Maxime Dos / Production Sarfati
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