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Hamlet à l’Opéra de Marseille – Une efficace sobriété
Jean-François Lapointe, déjà Hamlet à Avignon en 2015, retrouve le rôle-titre avec une évidence de chaque instant et une splendide adéquation. Comédien subtil, à l'allure juvénile, le baryton excelle à dépeindre le caractère trouble et écorché de ce Prince du Danemark sorti de l'imagination de Shakespeare, toujours aux confins de la raison et de la folie. La voix, généreuse et parfaitement timbrée, le phrasé souple et racé, ainsi que la diction exemplaire confèrent à son incarnation un niveau qui ferait presque oublier la perfection qu'avait su déployer sur cette même scène Franco Pomponi à la création.
© Christian Dresse / Opéra de Marseille
Applaudie en 2010 et en 2015, Patrizia Ciofi n'a pas hésité à remettre une nouvelle fois sur le métier, le rôle tout en nuance d'Ophélie, s'investissant comme toujours avec vaillance pour accorder son jeu à la musique, ou mieux encore, faire correspondre les exigences physiques aux situations vocales. L'admirable styliste qu'elle est soigne chaque intervention avec méticulosité, réussissant à alléger la matière dans les passages d’agilité et notamment l’air du second acte « Sa main depuis hier n'a pas touché ma main », pour restituer la fragilité de porcelaine de l’héroïne, ou à lui donner plus de corps lorsqu'elle doit se mesurer à la fameuse scène de folie « Ah vos jeux mes amis », située au 4ème acte. Son intelligence et sa culture belcantiste lui permettent bien évidemment de dépasser le simple exercice de virtuosité pure pour y apporter un degré d'émotion et d’intériorité tels, que l’on passe sans même nous en rendre compte, du bonheur fantasmé au drame, la délicate Ophélie rendant l'âme après avoir vu surgir à l’aube les frêles willis : là encore, l’intensité du mot, la projection des accents et le raffinement de l’intonation font tout le prix de l’interprétation accomplie de la soprano italienne.
© Christian Dresse / Opéra de Marseille
Comme à Strasbourg en 2011 et à La Monnaie en 2013, Sylvie Brunet-Grupposo campe une Gertrude somptueuse, créature débordante et un peu simplette, poussée par des sens qu'elle a très développés et que seul ce fils « dérangé » et insaisissable vient bouleverser. A ses côtés, Marc Barrard prête son élégant baryton au rôle de Claudius, tandis que la basse Patrick Bolleire compose un puissant Spectre, Jean-Marie Delpas (Polonius), Remy Mathieu (Laërte), Samy Camps (Marcellus) et Christophe Gay (Horatio) venant compléter honorablement la distribution, dirigée avec moins d'ardeur et de fermeté par Lawrence Foster que par le remarquable Nasser Abbassi qui avait fait beaucoup pour la réussite de ce spectacle en 2010.
Notez enfin que l'Opéra de Lausanne reprendra la production du 5 au 12 février prochains.
François Lesueur
Photo © Christian Dresse / Opéra de Marseille
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