Journal
Idomeneo à l’Opéra de Lyon – Souffle dramatique – Compte-rendu
Donné au même moment à Montpellier, Lyon et Lille, l'Idomeneo de Mozart, longtemps boudé, amputé, critiqué pour son statisme, ses longueurs et le classicisme de son livret, aura rarement été aussi fêté ; on s'en réjouit. La production lyonnaise bénéficie avant tout de la séduisante direction de Gérard Korsten, chef au style affirmé, à la pensée claire et ordonnée qui porte le drame sans jamais le relâcher. Evitant les lenteurs, le propos conserve ainsi sa profusion et sa densité, animé, irrigué par une inspiration musicale constamment en avance sur son temps.
Elena Galitskaya est une Illia idéale, soprano dont le timbre adamantin et les grâces vocales sont de précieux atouts pour hisser la captive troyenne au rang de future Reine de Crète. Kate Aldrich contrainte de déplacer son émission pour coller à la tessiture d'Idamante, perd en rondeur et en largeur, mais sa voix plus fuselée convient à celle du jeune et fougueux Crétois, dont elle traduit scéniquement les tourments avec soin. Loin des langueurs de La Favorite ou des éclats de Giovanna Seymour (Anna Bolena) la mezzo, sans atteindre la richesse expressive d'une Von Stade (au Met en 1982), prouve que ce changement de registre est toujours dans ses cordes : nous sommes impatients de la retrouver prochainement sous les traits de Carmen d'abord à Lyon dans la mise en scène d'Olivier Py, puis à Orange aux côtés de Jonas Kaufmann, pour suivre ses métamorphoses.
Ingela Brimberg vient à bout de l'orageuse Elettra, trouvant un bon équilibre entre les débordements vocaux et les indications scéniques parfois risquées du metteur en scène (nous ne sommes jamais loin de la maîtresse-femme, dominatrice au look sado-maso). Lui font défaut un timbre moins commun et une musicalité plus sûre.
Avec ses airs sévères et son costume de prêtre, Lothar Odinius est un Idomeneo marqué par les épreuves dont le profil austère tranche avec une voix souple, légère et joliment projetée. Sa belle expressivité qui culmine à l'heure de son abdication, qu'il susurre seul, à terre, dans un halo de lumière froide, s'accorde aux déchirements vécus par son personnage, même si les redoutables vocalises du célèbre « Fuor del mar » finissent par le dépasser ; pour les entendre comme elles ont été écrites, mieux vaut se reporter à l'insurpassable Rockwell Blake. Excellent Arbace de Julien Behr qui sauve son personnage du ridicule, malgré l’accoutrement, l'œil recouvert d'un pansement et l’accordéon en bandoulière, chœurs somptueux, voilà pour la partie musicale.
Martin Kusej, en dépit des huées qui ont sanctionné son travail ainsi que celui de son équipe, a trouvé un voie médiane située entre reconstitution pataude, comme en a longtemps raffolé le Met, et l'ascétisme d'un Pierre Strosser à Aix en 1986. Sa transposition dans un monde contemporain où d’irascibles soldats retiennent prisonniers des Troyens contraints à l’obéissance, a le mérite d'être claire et compréhensible.
L'astucieux décor tournant conçu par Annette Murschetz, espace hermétique et hostile ouvert sur d'oppressantes perspectives labyrinthiques, accentue les rapports conflictuels entre les camps adverses, le désir de liberté, la vengeance et la volonté divine, sans pour autant résoudre toutes les conventions du genre seria : pantomimes, colère des Dieux, caverne, tempêtes, danses et célébrations diverses sont banalement traitées.
Un spectacle qui n'en reste pas moins intéressant.
François Lesueur
Mozart : Idomeneo – Lyon, Opéra, 23 janvier, prochaines représentations les 27, 29, 31 janvier, 2, 4 et 6 février 2015 / www.opera-lyon.com
© Jean-Pierre Maurin
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