C’est entendu, les lyricophiles se précipiteront Salle Favart pour entendre Anna Caterina Antonacci dans le soliloque téléphonique de La Voix humaine (1959). On se doute que cette actrice née incarnera cette femme blessée avec autant de profondeur que le fit jadis Elisabeth Söderström ou que s’apprête à le faire à nouveau l’arrière petite-nièce du compositeur, Stéphanie d’Oustrac (1), mais la surprise pourrait bien venir de la première partie de la soirée qui offre de redécouvrir la délicieuse comédie à deux d’Ermanno Wolf-Ferrari (1876-1948), Il Segreto di Susanna.

Le sujet ce cet intermezzo en un acte n’est plus politiquement correct ; jugez-en plutôt. Intrigué par une étrange odeur de tabac, le Conte Gil soupçonne sa femme de l’avoir trompé. Mais en fait, dès qu’il aura définitivement tourné les talons pour regagner son club, Susanna s’offrira enfin en toute tranquillité le plaisir de fumer en secret sa cigarette.

Wolf-Ferrari avait conçu Il segreto di Susana parallèlement à son opéra I Gioielli della Madonna et tenait à donner les deux ouvrages dans la même soirée, renouant de la sorte avec l’habitude des théâtres lyriques du XVIIIe siècle qui juxtaposaient un drame et un intermède. Créée au Hoftheater de Munich le 4 décembre 1909, l’œuvre est de bout en bout délicieuse, finement orchestrée, magnifiquement écrite pour les voix, et connu un succès incessant jusqu’au début des années vingt où la Salle Favart vit encore Marguerite Carré et Vanni-Marcoux s’y brûler la politesse avec le brio qu’on imagine. Plus près de nous Maria Chiara (avec Weikl pour Decca) et Renata Scotto (avec Bruson pour Sony) l’enregistrèrent, et l’on ne peut que déplorer l’absence de leurs deux versions en CD.

Nul doute qu’Anna Caterina Antonacci sera la plus piquante des Susanna, d’autant que son soupçonneux de mari sera incarné par le si séduisant Vittorio Prato avec son baryton élégant et ses yeux de braise.

Pascal Rophé et l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg se chargent de la fosse, Ludovic Lagarde de la scène, et année Poulenc oblige, les jeunes chanteurs de l’Académie proposent, à l’heure du déjeuner, une intégrale des mélodies de l’auteur du Bal masqué chaque jour des cinq représentations. On se préparera à la découverte de cette part essentielle de l’œuvre de Poulenc en parcourant l’ouvrage définitif que vient de lui consacrer Hervé Lacombe (2).

Jean-Charles Hoffelé

(1) Stéphanie d’Oustrac reprendra La Voix humaine dans la mise en scène de Vincent Vittoz, étrennée sur la scène de l’Athénée en février 2011, au Théâtre Impérial de Compiègne le 28 mars (www.theatre-imperial.com ) avant de partir en tournée du 4 au 19 avril.

(2) Hervé Lacombe : Francis Poulenc (Fayard, 1103 pp.)

Wolf-Ferrari : Il Segreto di Susanna
Poulenc : La Voix humaine
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Paris – Opéra Comique
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Photo : DR