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Il Trittico de Puccini à l’Opéra de Tours - Trois miracles en un – Compte-rendu
Bijoux dans leur écrin, les trois volets cursifs du Trittico puccinien prennent réellement leur mesure lors d'une représentation groupée. Cette coproduction de l’Opéra de Maribor (Slovénie), de l’Opéra-Théâtre de Metz et de l’Opéra de Tours, efficacement mise en scène par Paul-Emile Fourny, tient du miracle. Un fil d’Ariane unit en effet les partitions malgré les différences d’atmosphère musicale et théâtrale, deux drames réalistes côtoyant un opéra-comique dans la veine de la Commedia dell’Arte.
Le dispositif scénique unique de Patrick Méeüs constitué d’un parquet de bois incliné sert de décor, utilisant comme élément symbolique l’eau, source de vie et de mort : la Seine au pied de Notre-Dame où sera assassiné Luigi par le mari jaloux (Il tabarro), la purification par le poison (Suor Angelica), les égouts de Florence où les protagonistes lavent - au sens propre - leur linge sale en famille dans un cloaque, autour du lit du défunt (Gianni Schicchi).
Homogène, la distribution met en valeur de jeunes chanteurs français aux côtés d’aînés expérimentés. Remarqué in loco pour son Don Giovanni en octobre 2013, le baryton hellène Tassis Christoyannis adapte son chant souple et son jeu affiné aux psychologies si différentes du marinier Michele et de Gianni Schicchi, usurpateur malin dont il parvient, sans forcer, à donner une image plus élégante que de coutume. Timbre ensoleillé, Florian Laconi exalte la passion de Luigi (Il tabarro) et celle de Rinuccio (Gianni Schicchi). Son amante Giorgetta interprétée par Giuseppina Piunti convainc par l’ampleur de son chant et la puissance d’incarnation de femme passionnée au point d’en mourir.
Bouleversante d’émotion, la Suor Angelica de Vannina Santoni tire des larmes par sa fragilité et la finesse de son timbre. Elle récidive dans le rôle de Lauretta face à Rinuccio par sa touchante exécution du célèbre « O mio babbino caro ». Présente au cours des trois opéras, Cécile Galois, successivement la Frugola, la princesse Zia et Zita, se montre saisissante d’autorité et campe des personnages aussi dissemblables que possible. Elle réussit un véritable tour de force lors de son apparition démoniaque appuyée sur deux cannes, toisant toute de noir vêtue Suor Angelica, telle une mante religieuse.
Les rôles secondaires trouvent leur juste caractérisation : Delphine Haidan à la fois La Badessa, abbesse rigide et Ciesca cupide, l’impayable Antoine Normand en Il Tinca ivre-mort ou en Gherardo délirant de lâcheté et de rapacité, Franck Leguérinel toujours noble aussi bien en Il Talpa généreux, qu’en Marco, héritier inquiet. Pour sa première apparition à Tours, Aurélie Fargues fait forte impression dans le rôle de Suor Genovieffa à l’instar de Chloé Chaume en Suor Osmina ou Béatrice Dupuy en Suora Zelatrice. Il convient d’ailleurs de saluer tous les protagonistes tant le travail d’équipe est ajusté au cordeau jusque dans l’expression la plus sordide des personnages de Gianni Schicchi, dignes d’Affreux, sales et méchants d’Ettore Scola
Maître d’œuvre attentif aux équilibres entre fosse et plateau, Jean-Yves Ossonce obtient de son Orchestre Symphonique Région Centre-Tours une concentration, une subtilité de touche, une dynamique et un lyrisme sans cesse renouvelés. Avec science, il varie les climats, alterne sens du drame et effluves impressionnistes (Il tabarro), distille des sonorités diaphanes et une sensualité prégnante (Suor Angelica), impulse un élan rythmique implacable (Gianni Schicchi). Les Chœurs bien préparés par Emmanuel Trenque contribuent également à la réussite d’ensemble d'un spectacle accompli.
Michel Le Naour
Puccini : Il Tabarro - Tours, Grand Théâtre, 17 mars 2015
© François Berthon
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