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Interview : Christophe Desjardins, l’explorateur
Fervent avocat du répertoire contemporain, l’altiste Christophe Desjardins offre un programme intitulé « Harold et son double » à la Cité de la Musique dans le cadre de la série « La Narration du Voyage ».
Je voyage, tu voyages… Le désir d’ailleurs, l’itinérance sont très présents dans les programmes de la saison qui s’ouvre. Tandis que L’Orchestre National de Lille nous entraîne en Inde avec Le Livre de la Jungle de Charles Koechlin (lire l’article), la Cité de la Musique quitte Londres, pour une nouvelle série : La Narration du voyage. Après le flamenco et Paco de Lucia (le 8 octobre, à Pleyel), la musique indienne (le 10 oct.), les répertoires romantique (Nathalie Stutzman dans Schubert le 13, Nicholas Angelich dans Liszt le 15, Emmanuel Krivine et la Chambre Philharmonique dans Mendelssohn et Spohr le 17) et contemporain (l’Intercontemporain dans Schönberg, Kurtag et Francesconi le 19, Accentus et Sonia Wieder-Atherton dans Brahms, Schumann – mais également Rihm – le 21) nourrissent la suite du cycle.
Au chapitre de la musique d’aujourd’hui, on remarque l’original programme « Harold et son double » que l’altiste Christophe Desjardins et l’Ensemble L’Instant Donné proposent le 15 octobre à 17h 30.
Si le répertoire soliste de l’alto demeure maigre jusqu’au XXe siècle, tout change à partir de là. « De grandes avancées ont été faites, note C. Desjardins, d’abord grâce à Hindemith qui a beaucoup contribué à développer la connaissance de l’instrument. Depuis 1950, avec l’intérêt exacerbé des compositeurs pour le timbre, l’alto a enrichi son répertoire de grandes choses : la Sequenza de Berio, la Sonate de Ligeti, celle de Zimmermann, le Prologue de Grisey… La musique contemporaine est un mode d’expression dans lequel je me sens très à l’aise. J’aime explorer, chercher des sonorités nouvelles, avoir la plus grande palette de couleurs possible à ma disposition. S’il s’agit de servir la musique et les meilleures œuvres d’aujourd’hui, je ne m’en prive pas ! »
Parmi les composition pour alto postérieures à 1950, quelles sont vos trois partitions fétiches ?
Christophe Desjardins (C. D.) : C’est un choix très difficile, car l’instrument est devenu très polyvalent… Il y aurait certainement la Sequenza de Berio… (longue hésitation…), le Prologue de Gérard Grisey – la pièce fondatrice de toute l’école spectrale -, un immense spirale mélodique qui naît à partir d’un son initial. Une réussite prodigieuse ! Et puis, plus proche de nous, Improvisation II-Portrait d’Emmanuel Nunes, une oeuvre qui fait appel à deux altos accordés de manières différentes.
Venons-en à votre concert du 14 octobre, « Harold et son double », où l’on trouve une version réécrite par Gérard Pesson d’Harold en Italie de Berlioz…
C. D. : Harold en Italie constitue pour les altistes un ouvrage mythique. L’alto y incarne le personnage d’Harold, le conquérant romantique. On y trouve un mélange de symphonie, de concerto et de musique de chambre.
Gérard Pesson a pris le parti d’interpréter librement l’orchestration de Berlioz et de réécrire l’œuvre pour neuf instruments et une voix. Celle-ci est aussi un double de l’alto solo et se voit confier des écrits de Byron dans la première partie, des textes latins dans la Marche des pèlerins ou des chansons des Abruzzes dans la Sérénade. Par ailleurs, il est fait appel à des appeaux, à un matériel de percussion raffiné. L’écriture est très vivante et le travail de Gérard Pesson rafraîchit l’esprit de conquête d’Harold. Ce qui n’empêche pas, à certains moments, d’aller vers le côté sombre, grave de Berlioz et d’Harold pour affirmer un romantisme aux couleurs d’aujourd’hui.
En première partie de concert j’ai choisi quatre pièces (de Pedro Amaral, Morton Feldman, Ivan Fedele et Michael Jarrell) qui font usage de l’alto dans des configurations différentes (avec piano, électronique ou petit ensemble) et se présentent en miroir de chacune des quatre parties d’Harold en Italie.
Alain Cochard
Cité de la Musique, amphithéâtre, 14 octobre à 17 h 30.
Notez que le concert sera précédé à 15 h d’une table ronde sur le thème « Errance et conquêtes au XIXe siècle » avec Jean-Pierre Bartoli, Pierre Brunel et Brigitte François-Sappey).
Photo : Philippe Gontier
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