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Jessye Norman, inoubliable Judith
Les trois concerts Ravel-Bartok de Pierre Boulez avec l’Orchestre de Paris constituaient l’un des temps forts de la fin de saison parisienne, en raison de la personnalité du chef bien évidemment, mais aussi de la présence de Jessye Norman dans Le Château de Barbe Bleue. Par l’intermédiaire d’un Pierre Boulez visiblement ému, les interprètes on commencé en dédiant l’exécution de l’ouvrage de Bartok à la mémoire de György Ligeti, décédé peu auparavant. On ne pouvait imaginer plus bel hommage à l’auteur du Grand Macabre que ce qui allait suivre…
La soixantaine resplendissante, la chanteuse américaine n’a plus exactement les moyens vocaux du rôle. Ce n’est pas lui faire injure que de l’écrire, mais au contraire une façon de mieux saluer l’intelligence musicale dont elle fait preuve en composant une inoubliable et envoûtante Judith. Norman incarne sont personnage en totalité et entretient un dialogue d’une rare intelligence avec le Duc. Car elle en a la possibilité : face à elle Peter Fried campe le plus beau Barbe-Bleue sans soute qui se puisse imaginer aujourd’hui. Physique de géant et voix magnifique : tous les ingrédients sont réunis ! Au pupitre, Boulez prouve une fois encore que pas un détail de cette partition très chère à son coeur ne lui échappe. Ce n’est pas l’effroi que le chef cherche à susciter. La lucidité avec laquelle il guide la progression dramatique du Château aboutit à un résultat néanmoins fascinant, en accord parfait avec la conception défendue par les deux chanteurs.
En début de soirée, l’Orchestre de Paris et son Chœur (fort bien préparé par Didier Bouture et Geoffroy Jourdain) donnaient l’intégralité du ballet Daphnis et Chloé. L’approche qu’offre aujourd’hui Pierre Boulez de la musique de Claude Debussy témoigne d’une profonde évolution par rapport à ce qu’il donnait à entendre autrefois. On regrette que son Ravel ne bénéficie pas de ce gain en couleur, en sensualité, en mystère car on a souvent eu le sentiment de demeurer sur le seuil d’un ouvrage dont l’interprétation négligeait par trop l’esprit – l’ivresse - de la danse. Mais on n’a toutefois pas boudé les superbes moments d’orchestre offerts par une phalange qui termine une saison très chargée en belle forme !
Alain Cochard
Théâtre du Châtelet – 13 juin
Photo:DR
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