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Journées de Musiques anciennes de Vanves 2015 – Clôture à l'orgue médiéval - Compte-rendu
En clôture de leur 6ème édition, les Journées de Musiques anciennes de Vanves proposaient deux concerts le dimanche 22 novembre, chacun, selon la coutume, introduit par une première partie confiée à des ensembles d'étudiants. Précédé d'une sympathique séquence de musique française du XVIIIe siècle (Francœur, Forqueray) par l'Ensemble Daphné (Département de Musique ancienne du CESMO Poitou-Charentes) : Kumiko Wada (violon), Sylvie Françoise (viole de gambe) et Ayumi Nakagawa (clavecin) – beau travail de style et de « jouer ensemble » auquel, toutefois, faisait encore défaut la liberté de jeu que donne un surcroît d'assurance et de maturité –, le premier concert de l'après-midi, au Conservatoire de Vanves, permit d'entendre l'ensemble Mediva, spécialisé dans les musiques des XIIe au XVe siècles.
Intitulé Milde Moder – Douce Mère, sous la houlette d'Ann Allen (chalemies, flûtes et direction), avec Corina Marti (clavicembalum pur et présent, flûtes) et Sam Dommergue (percussions), mais aussi Carine Moretton (cornemuses et flûtes), directrice artistique du Festival, ce florilège de Musique pour la Vierge Marie dans l'Angleterre du Moyen-Âge réunissait différentes pièces autour du thème de l'Annonciation ainsi que des noëls chantés par le baryton Thill Mantero : timbre et diction d'un naturel vivifiant, sous-tendus d'une étonnante prononciation des textes, entre allemand adouci et très peu d'anglais d'aujourd'hui, également des i pour ainsi dire à la française, le tout très singulier de ton. Merveilleusement rythmé, haut en couleur – les musiciens étant libres, pour un tel répertoire, d'instrumenter selon leur fantaisie tout en puisant dans l'instrumentarium du temps –, parfois répétitif jusqu'à la transe et chaleureusement festif : une introduction idéale aux célébrations musicales de l'hiver.
Le second concert, au Théâtre de Vanves, était à son tour précédé d'une « première partie » confiée au déjà remarquable Ensemble Libera Me ! (Département de Musique ancienne du CNSMD de Lyon) : Isaure Lavergne (flûte à bec), Maximin Catineau (viole de gambe – sereine aisance assortie d'une souplesse et d'une musicalité affirmées), Matthieu Jolivet (clavecin), tous à l'écoute d'Alice Duport-Percier (dessus). Le programme était consacré à une insigne rareté : le généreux et touchant Misere de Joseph Michel (1688-1736), maître de chapelle à la Sainte-Chapelle de Dijon. La jeune soprano fit forte impression, par sa sobre élégance, stylée et assurée, son timbre immaculé et une lumineuse présence, à travers le texte poétique et musical, digne d'éloges.
Le second concert proprement dit plongea l'auditeur dans un tout autre univers, non moins rare : celui de l'orgue médiéval et Renaissance. En l'occurrence un positif de table construit par Quentin Blumenroeder (1) d'après la tapisserie d'Angers dite « la Dame de Rohan ». Un seul jeu : un principal en plomb de 6 pieds, aux timbres amples et aux attaques à la fois douces et mordantes. C'est fou ce que l'on peut faire, sans lasser l'auditeur, sur un seul jeu de cette qualité harmonique, actionné par un clavier de 39 touches de petites dimensions exigeant des doigts de fée pour ne pas trébucher – tout en maniant du pied droit le soufflet, extrêmement sensible pour un vent optimal de vivacité, via un léger mécanisme moderne à équerres.
Quentin Blumenroeder – Orgue médiéval de table d'après la tapisserie d'Angers DR
Joseph Rassam (photo), titulaire de l'orgue Bertrand Cattiaux d'Amilly (Loiret) n'en proposa pas moins un vaste panorama des XVe et XVIe siècles, tant en France et dans les pays germaniques qu'en Italie ou en Espagne, en cette époque où la musique vocale s'empare des claviers : Dufay, Buxheimer Orgelbuch (v.1480 – ici d'après Binchois et Dunstable), Hans Kotter, Fridolin Sicher, Pierre Attaingnant, Leonhard Kleber (d'après, entre autres, Josquin Desprez), Marcantonio et Girolamo Cavazzoni, Antonio de Cabezón, Luys Venegas de Henestrosa, Bernhard Schmid (d'après Lassus). Soit des pièces non spécifiquement ou nécessairement destinées à ce type d'instrument « minimaliste », mais donc d'une richesse intense, souvent débordantes d'une virtuosité conquérante par le biais de diminutions plus vives que l'éclair, le plus souvent dans l'aigu du clavier mais aussi sur l'ensemble de la tessiture. Et c'est peu dire que la présence de l'instrument, superbement touché, tint en éveil l'auditeur, émerveillé.
Un regret cependant, s'agissant d'un orgue aussi rare dans sa facture et son esthétique que le répertoire lui-même : que Joseph Rassam n'ait pas présenté l'instrument et guidé le public vers ce répertoire singulier, d'autant que l'obscurité dans la salle empêchait de lire le programme, les pièces virevoltantes et variées s'enchaînant dans un quasi-anonymat qu'un peu de lumière, et quelques commentaires, aurait suffi à lever.
Michel Roubinet
(3) Quentin Blumenroeder – Orgue médiéval de table d'après la tapisserie d'Angers (2009)
www.blumenroeder.fr/pages/organetto-et-medieval.html?idArt=15
Vanves, Conservatoire de Musique, Théâtre, 22 novembre 2015
Photo Joseph Rassam © Amilly.fr
Sites Internet :
Journées de Musiques anciennes de Vanves
journees-musiques-anciennes.org/2015/festival/Festival-A-propos
Concert Ensemble Mediva / Milde Moder
https://journees-musiques-anciennes.org/2015/festival/ConcertsMediva
Concert Joseph Rassam
journees-musiques-anciennes.org/2015/festival/ConcertsRassam
Photos : © DR
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