La vie reprend ! Comme tous les autres ensembles confrontés à la survenance de la crise sanitaire l’an dernier, Julien Chauvin (photo) et ses musiciens ont littéralement été « sonnés » par le premier confinement, mais ils se sont vite repris. « L’année 2020 a été chaotique, éprouvante par le manque de visibilité, se souvient le patron du Concert de la Loge, nous étions pris en permanence à rebours, dans l’obligation d’imaginer des programmes qui allaient être reportés, annulés ... ou parfois maintenus. Reste que la période que nous venons de traverser a remis beaucoup de choses en place et a contribué à reniveler l’ego des musiciens, des chanteurs, des chefs ; une remise à plat qui me semble intéressante et de laquelle on a pu vraiment apprendre. Il y a là des leçons à tirer pour l’avenir, sur les productions futures, sur tout une gamme de décisions à prendre (programmes, cachets, plannings, enregistrement à réaliser – en audio ou en vidéo – ou pas).
« Nous commençons une nouvelle saison, moins chaotique que celle que nous venons de vivre, mais pas exempte de surprises et d’imprévus. Nous avons appris à être très prudents ; les concerts, les tournées arrivent mais ... tant que le concert n’est pas fini et que l’on remet l’habit dans la valise ... Le moment de la rencontre avec le public n’en est vécu que de manière plus précieuse ! » 
 

La période du confinement n’aura pas été inactive pour Julien Chauvin qui a montré sa volonté de continuer à faire travailler les musiciens, de mener à bien certains projets pédagogiques (dont le Hip Baroque Choc (1), lancé en 2016 et auquel le chef et ses instrumentistes se consacrent depuis avec un inaltérable enthousiasme) et d’enregistrer des disques, de façon anticipée pour certains qui étaient programmés à une échéance lointaine. « Mais, souligne-t-il, il s’agissait toujours de projets indispensables ; nous n’avons rien fait qui n’était pas en gestation d’une manière ou d’une autre. » Et nul ne lui en voudra d’avoir ainsi enregistré bien plus tôt que prévu – grâce à l’aide d’un mécène particulier –, un nouveau programme de concertos de Vivaldi (pour Naïve), qui fait suite au formidable volume « Il Teatro » (2), venu rappeler quel poète et virtuose de l’archet est celui que l’on connaît d’abord en tant que chef.
 

De Haydn à Mozart

Côté enregistrement, l’année passée aura aussi été « le moment d’asseoir le changement de maison de disques et l’entrée chez Alpha Classics » et de mettre en route une entreprise mozartienne qui s’inscrit dans la continuité de l’intégrale des Symphonies parisiennes (chez Aparté), achevée au printemps dernier avec la sortie des Symphonies nos 84 et 86, couplées avec le Stabat Mater. « Au moment de la création du Concert de la Loge, Haydn s’imposait par le lien de ce compositeur avec l’orchestre dont nous avons repris le nom, rappelle Julien Chauvin. Pour mettre notre orchestre et ses disques dans un contexte géographique, parisien, il était important de commencer par Haydn. La continuité avec Mozart est naturelle, même si ces deux compositeurs, bien que tous deux « classiques » et « viennois » présentent des langages différents. »
 

Après une admirable intégrale des Parisiennes, agrémentée de nombre de raretés instrumentales ou vocales, Chauvin et ses troupes se lancent dans une trilogie Mozart. Pour cette nouvelle entreprise, point de raretés ; les musiciens ont eu envie de se concentrer sur des chefs-d’œuvre : les trois dernières symphonies et les ouvertures de la
Trilogie Da Ponte constituent les deux lignes directrices de trois disques dont le premier vient de sortir comprenant l’Ouverture des Nozze di Figaro et la Symphonie no 41 « Jupiter » : la vitalité, la luminosité, l’élan du propos qui les caractérisent se conçoivent mieux quand l’on se souvient du contexte « confiné » dans lequel l’enregistrement s’est déroulé. Entre ces deux partitions, le Concerto no 3 KV 216 s’élance sous l’archet de Julien Chauvin avec une fraîcheur, une poésie, une jeunesse impatiente auxquelles on ne résiste guère.
Du prochain volume, le Concerto pour piano n° 23 KV 488, sous les doigts d’Andreas Staier, et l’Ouverture de Don Giovanni sont déjà en boîte. La Symphonie no 40 le sera à la fin de ce mois de novembre, complétant un deuxième volume dont la sortie interviendra soit à la rentrée 2022 soit en janvier 2023 à l’occasion d’un Gala Mozart au Théâtre des Champs-Elysées. Quant au troisième volet de ce « Simply Mozart », il réunira l’Ouverture de Così fan tutte, la Symphonie n° 39 et un ouvrage concertant point encore définitivement déterminé.
 

L’entrée chez Alpha Classics ouvre bien des perspectives pour le Concert de la Loge ; de séduisants enregistrements se profilent, parfois étonnants, telle la version avec chœur du Stabat Mater de Pergolèse, avec Adèle Charvet, Jodie Devos et la Maîtrise de Radio France, couplée avec la Symphonie n° 49 « La Passionne » de Haydn dans une version ... sans vents et avec orgue ! Un CD « Rivales » par Sandrine Piau et Véronique Gens dans des airs d’opéras d’airs d’opéra français de la fin du XVIIIe est également annoncé, tout comme la Messe pour le sacre de Napoléon de Paisiello et le Requiem de Mozart dans la version parisienne de 1804, programme que l’on a pu entendre dans le cadre du dernier Festival Bru Zane à Paris (il sera repris à Bruxelles et à Metz début 2022). Mais la Loge s’aventurera plus avant dans le XIXe siècle avec la rare cantate Clovis et Clotilde de Bizet.
En matière de grands ouvrages lyriques, un enregistrement de l’Iphigénie en Aulide de Gluck – dans le cadre d’une collaboration avec le CMBV – avec Judith van Wanroij, Stéphanie D’Oustrac, Jean-Sébastien Bou, etc., sera réalisé ; une partition que Julien Chauvin dirigera en version de concert à Soisson et en Espagne.
 
Pour l’heure, c’est à l’auditorium du Louvre que l’on a rendez-vous avec le Concert de la Loge,ce 26 novembre (et au Conservatoire de Puteaux, l'un des lieux de résidence de l'ensemble, la veille) pour une soirée Haydn (Symphonie n°86) et Mozart (Symphonie n° 40), qui offrira aussi le bonheur d’entendre Julien Chauvin en soliste dans le 4e Concerto pour violon en sol majeur Hob. VIIa/4 de Haydn. Pas question de laisser tomber le génial Maître d'Esterháza !
 
Alain Cochard
(Entretien avec Julien Chauvin réalisé le 3 novembre 2021)