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Klaus Mäkelä et Antoine Tamestit à l’Orchestre de Paris (Streaming) – Vivifiant et raffiné – Compte-rendu
On s’est habitué à cette invasion finlandaise, qui, depuis un demi-siècle, fait briller les couleurs du pays de Sibelius. Voici la nouvelle vague qui déferle, et une incroyable jeunesse qui la mène avec Klaus Mäkelä, 25 ans et conseiller musical de l’Orchestre de Paris avant d’en prendre pleinement la direction en 2022 : une arrivée perçue comme un choc, que de mauvaises langues ont parfois considérée comme médiatique, et qui se justifie pleinement, car le jeune chef vient d’en faire la démonstration étincelante en mariant Ravel et Bartók, deux mondes si différents dans leurs origines mais à la rythmique plus proche qu’il n’y paraît.
En premier, il faut se réjouir de la forme vivace de l’Orchestre de Paris, auquel le confinement semble avoir réussi, tant il manifeste d’ardeur et de compréhension face aux indications du chef. Il faut dire que confronté pour la première fois au jeune Mäkelä en 2019, l’Orchestre l’avait adopté avec enthousiasme, lequel se prolonge aujourd’hui par une évidente entente avec l’elfe finlandais au tempérament de flamme. A preuve, une salve d’applaudissements à l’adresse du chef à la fin du concert, alors que les musiciens de cet orchestre si institutionnel ont souvent, par le passé, donné l’impression de faire leur devoir.
Comment, dans sa glaciale Finlande natale, Mäkelä a-t-il pris la mesure de ce qu’un Ravel pouvait faire passer de doré et de chatoyant dans Ma Mère l’Oye, féerique musique imprégnée de l’esprit combien français des contes qu’elle illustre ? Et à l’évidence il s’y introduit avec un bonheur total, la ciselant, l’orfévrant, et tirant de l’orchestre des sonorités filées comme des dentelles. On a retenu son souffle en écoutant passer cette galerie de personnages délicats ou grondants, comme si le chef contait ces histoires à un enfant en train de s’endormir. Une lecture aérienne, portée par l’orchestre avec une grâce exceptionnelle.
Antoine Tamestit © Philippe Matsas
Pays enchanté, donc, avant de plonger dans l’univers nettement plus vigoureux de Bartók dont Antoine Tamestit a joué le Concerto pour alto. On sait la rigueur de jeu du grand artiste, l’élégance de son phrasé, on a apprécié la variabilité de ton dans les modulations si raffinées de ce concerto finalement peu bartókien, par son caractère moins violemment rythmique que ses autres compositions, et écrit au seuil de sa mort, puisqu’il ne parvint pas à le finir. Face au chant de l’alto, le chef a conduit l’œuvre avec une fluidité qu’on ne connaît pas toujours aux interprètes du maître hongrois.
Excellente transition que cette œuvre d’une certaine retenue entre les filigranes de Ma Mère l’Oye et les coups de boutoir du Mandarin Merveilleux, où Mäkelä s’est déchaîné, avec une violence débridée. On pouvait juste reprocher un peu trop de précipitation dans les parties plus lentes, où court une onde menaçante qu’on ne percevait pas suffisamment. Malgré ces quelques failles d’atmosphère, l’œuvre a sonné comme elle le doit, frénétique, méchante. Et on attend impatiemment les autres temps forts que Mäkelä réserve lors de ses prochains concerts de rentrée. Avec un Orchestre de Paris revigoré.
Jacqueline Thuilleux
Paris, Philharmonie (Grande Salle), concert du 16 avril 2021, capté et disponible depuis le 17 avril sur live.philharmoniedeparis.fr/concert/1122844/
Photo © Mathias Benguigui Pasco & Co
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