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Klaus Mäkelä inaugure la saison de l’Orchestre de Paris – Musiques célestes et bel envol - Compte-rendu
Tout est allé très vite depuis la nomination de Klaus Mäkelä à la tête de l’Orchestre de Paris en juin 2020. Conseiller musical pour la saison 2020-21, directeur musical depuis septembre 2021, il commence à marquer la programmation de son empreinte. En témoigne ce premier rendez-vous de la saison qui, sur le papier déjà, est un vrai concert d’ouverture, avec ce que cela implique de réflexion sur le choix des œuvres et leur articulation. Au programme : trois œuvres d’aujourd’hui, qui répondent à deux partitions symphoniques majeures du romantisme tardif : le poème symphonique Also sprach Zarathustra de Strauss et le Poème de l’extase de Scriabine.
© Mathias Benguigui Pasco and Co
Klaus Mäkelä lance l’Orchestre de Paris dans le court Asteroid 4179 : Toutatis de Kaija Saariaho avec une énergie et une gourmandise de timbres impressionnantes. Cordes lumineuses, interventions solistes de vents très ouvragées, cet objet musical de cinq minutes à peine, tout en mouvements et scintillements stellaires, emplit tout l’espace sonore de la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie.
Fidèle à la logique de son programme, Klaus Mäkelä enchaîne, quasi attacca, la pièce de Kaija Saariaho et les grondements telluriques des contrebasses qui ouvrent le poème symphonique de Strauss. L’effet en est d’autant plus remarquable que le chef y apporte la même intensité et la même finesse de nuances. Les qualités de l’orchestre aperçues dans Toutatis – équilibre des pupitres, cordes brillantes, nuances précises des vents – se déploient cette fois tout au long des épisodes enchaînés de Zarathoustra, dont Klaus Mäkelä soigne les transitions, les passages chambristes comme les tutti.
Deux créations suivent, avant et après l’entracte. Aino de Jimmy López Bellido (né en 1978), compositeur péruvien qui a étudié à Helsinki, enchaîne différents moments sans parvenir à convaincre, faute d’invention et d’une véritable personnalité. L’orchestration use d’effets empruntés de-ci de-là (certes, il apprécie Sibelius...) et de procédés usés depuis trop longtemps au cinéma : l’usage des percussions (notes égrenées au glockespiel, galops de caisse claire, coups de cymbale…) est téléphoné, comme le sont les glissandos de cordes dans l’aigu ou les crescendo/decrescendo qui ne peuvent tenir lieu de dramaturgie musicale.
© Mathias Benguigui Pasco and Co
Tout au contraire, l’écriture singulière de Pascal Dusapin se reconnaît sans attendre dès les premières mesures d’A Linea. Pensée comme déroulement d’une ligne unique, l’œuvre s’y déploie en méandres : c’est l’orchestration, son surgissement continuel, qui confère une tension permanente. Rien d’absolument nouveau ici, avec des gestes – tenues des cors et des cordes, glissandos des trombones, pédales de percussions… – qui constituent comme une signature sonore du compositeur, depuis les sept solos pour orchestre (1992-2009) ou Morning in Long Island (2010) ; mais la maîtrise des figures sonores et la construction dramatique de cet Adagio long d’un quart d’heure impressionnent, d’autant que Klaus Mäkelä y entraîne l’Orchestre de Paris avec le magnétisme que dans les pages de Kaija Saariaho et Richard Strauss.
Le Poème de l’extase s’annonce sur les mêmes bases. Le déploiement de la ligne initiale, bel hybride de Wagner et Debussy, souligne une fois encore le sens des timbres du chef et sa capacité à le transmettre à ses musiciens. Mais cette fois l’énergie déployée par Klaus Mäkelä ne suffit pas à porter l’œuvre, qui ne parvient jamais tout à fait à prendre son envol. C’est un beau travail d’orchestre, mais le souffle y manque. Cela n’empêche pas ce concert d’être une belle entrée en matière pour la saison à venir, que l’orchestre semble aborder avec envie.
Jean-Guillaume Lebrun
Paris, Philharmonie, 8 septembre 2022
Photo © Mathias Benguigui Pasco and Co
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