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Kylian, Millepied et Forsythe par le Ballet de l’Opéra de Lyon - Sur du velours - Compte rendu
Une soirée qui s’est déroulée dans une agréable béatitude, tant les éléments du programme choisi par Yorgos Loukos, lequel dirige le Ballet de l’Opéra de Lyon depuis une trentaine d’années, s’y imbriquent harmonieusement. Trop presque, comme un menu où tout se ressemblerait et dont les saveurs seraient de ce fait amoindries. Depuis toujours Loukos clame son amour de Jiri Kylian et de William Forsythe : il pourrait plus mal choisir. Les deux chorégraphes, aux antipodes l’un de l’autre, le premier avec son héritage tchèque d’angoisse et d’humour noir, le second nourri de rock et de comédies musicales et pourtant fasciné par la technique académique, ont marqué ces trente dernières années, mais moins il faut le dire depuis une décennie, alors que Kylian a quitté le Nederlands Dans Theater en 1999 et que Forsythe n’a plus les moyens matériels que lui donnait jusqu’en 2004 sa position l’Opéra de Francfort.
Chacun a, à sa façon, désarticulé le ballet classique, Kylian en gardant les apparences mais en construisant une œuvre si onirique qu’il est vain de tenter la comprendre. Mieux vaut se laisser porter par sa finesse, sa et ses étranges assemblages de personnages à la fois érotiques et irréels. Forsythe, lui étire, élargit, pousse les limites de la virtuosité classique jusqu’à des extrêmes qui tiennent les danseurs à la limite de la bascule. Emblématique pour le premier, Kaguyahimé et Petite mort, pour le second, Impressing the Czar, Artifact et le mythique In the Middle Somewhat Elevated.
Ici, on a retrouvé Belle figura que Kylian chorégraphia en 1995, une pièce où tout est à double sens, mais dont l’efficacité se noie dans une gestique par trop répétitive et contournée, même si elle permet de superbes entrelacements. Les danseurs pourtant remarquables, y sont comme étouffés. Même besoin de se répéter inlassablement pour le Forsythe de Quintett, de 1993, comme vidé de cette force de frappe qui plaisait tant chez le chorégraphe et dont il ne reste ici qu’une langoureuse monotonie, alors qu’elle se voudrait envoûtante psalmodie gestuelle. Il faut dire que la musique est de Gavin Bryars, ce qui n’aide guère.
Entre deux, une pièce plus chic que choc, le Sarabande de l’incontournable Millepied, construit en 2009 sur le mode à la mode, tel que les grands américains l’ont institué, de Paul Taylor à Robbins et Twyla Tharp : une danse faite pour les baskets, qui montre quatre danseurs se mariant intimement à quelques pièces pour solistes de Bach, jouées sur scène par Nicolas Gourbeix, violon et Seiya Ueno, flûte. Délicatesse, contraction-décontraction, souplesse, respiration, cette danse fluide et naturelle n’est pas dépourvue de charme, mais il y faudrait des interprètes peut-être plus marquants, avec le punch d’un Barychnikov par exemple. Les quatre danseurs lyonnais, et notamment Mathieu Rouvière, ont pourtant tout fait pour traduire sa grâce, mais n’ont pas suffi à lui trouver de l’intensité. Une soirée douce, trop douce décidément, mais qui a permis d’apprécier les qualités de légèreté et de moelleux du Ballet de Lyon.
Jacqueline Thuilleux
Kylian, Millepied et Forsythe par le Ballet de l’Opéra de Lyon - Lyon, Opéra, 13 mai 2014
Photo © Michel Calvacala
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