Cette année 2006 verra la vie symphonique parisienne entrer dans une ère nouvelle avec la réouverture à la rentrée d’une salle Pleyel rénovée. Si tout va bien, naturellement. Mais tout laisse à penser dans l’état actuel de l’énorme chantier que les délais imposés par le propriétaire à l’entreprise Bouygues seront tenus : livraison fin juillet pour permettre les ultimes réglages avant l’inauguration par l’Orchestre de Paris qui réintégrera ainsi sa maison.

Pas mal de changements d’habitude sont à prévoir pour les mélomanes. Ainsi, non seulement les colonnes de marbre noir et blanc du hall retrouveront leur aspect d’origine, mais le restaurant grimpera d’un étage pour laisser place à des vestiaires spacieux. Car un vaste foyer sera implanté au premier autour du puits de lumière de la rotonde également reconstitué et le long de la façade côté faubourg Saint-Honoré. Ce nouvel espace sera accessible de la grande salle. Celle-ci subit un lifting complet afin d’en améliorer l’acoustique. Jugé irrécupérable, le fond du parterre encastré sous le premier balcon a été supprimé au profit de nouveaux équipements techniques. Ce qui explique que la jauge de la grande salle perdra quelque 300 places malgré l’implantation de deux étages de balcons latéraux destinés à rabattre le son : ils n’offrent, en effet, que 80 fauteuils au total. Pleyel passera donc de 2.300 à 1.920 places.

La scène sera décalée et recentrée, l’arrière accueillant des gradins pour le chœur de l’Orchestre de Paris, voire quelques spectateurs. Les portants en ciment soutenant la conque de béton seront désormais visibles, mais habillés pour cause d’acoustique. Quant au plafond, il sera débarrassé de ses adjonctions successives, le volume total passant de 15.000 à 19.000 mètres cube. De la rénovation de 1975, ne subsistera que le parquet d’angélique qui a fait la preuve de ses qualités réverbérantes. Enfin, les architectes nous promettent une couleur claire pour les murs, les sièges étant revêtus de violine bourgogne.

Après sept ans de vaches maigres et d’errements divers, Pleyel devrait repartir du bon pied. Au terme des accords passés entre le ministre de la culture et le propriétaire privé qui avait racheté la salle en 1998, c’est ce dernier qui finance les travaux de rénovation, mais le cahier des charges a été élaboré d’un commun accord avec l’Etat. Celui-ci ne retrouvera la pleine propriété de Pleyel que dans cinquante ans, et verse, en attendant, un loyer annuel à l’actuel propriétaire. La gestion artistique est confiée à une filiale de la Cité de la Musique placée sous la responsabilité de son directeur Laurent Bayle : il s’agit d’assurer un maximum de cohérence dans le management des deux lieux.

En 2012, un nouvel auditorium de 1.500 places ouvrira ses portes à Radio France qui disposera alors d’un lieu où produire toutes ses formations. L’actuel auditorium Olivier Messiaen (1.000 places) servira de salle de répétition et d’accueil. On ne pourra plus dire que Paris manque d’auditorium ! D’autant qu’alors qu’on croyait le projet enterré faute de financement, le premier ministre en personne a relancé l’idée de la construction d’une nouvelle salle de plus de 2000 places à la périphérie parisienne, probablement à La Villette. Comme le maire de Paris lui a emboîté le pas, l’affaire paraît sérieuse… jusqu’au prochaines élections ! Si ce projet voit le jour, on sera passé, en moins d’une décennie, d’une pénurie à une pléthore d’auditoriums.

Jacques Doucelin

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