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La Clémence de Titus à l’Opéra national du Rhin - Brûlante actualité – Compte-rendu

Jadis décriée pour son absence de progression dramatique, La Clémence de Titus – ouvrage composé dans l’urgence pour le couronnement de l’Empereur Leopold II - recèle un arrière-plan dramatique et psychologique que la nouvelle production de l’Opéra national du Rhin réussit à capter avec une profondeur très convaincante.
 
La mise en scène de Katharina Thoma place l’action dans l’Italie des années 1950 en une époque de remise en cause des notions de culpabilité, de règlement de compte, de pardon, dans une société ébranlée par les conséquences du fascisme. L’ingénieux plateau tournant dans des décors astucieux de Julia Müer fait apparaître d’emblée les différents univers où se déroulera l’action. Se succèdent une pièce aux murs de marbre d’une froideur glaciale – lieu du pouvoir isolé de Titus face aux revendications d’un peuple en quête de vengeance - ; un bureau fonctionnel arborant des bustes des personnages illustres de Rome et de l’Italie où Vitellia fomente la trahison de Sesto ; un espace paysagé pour les ébats amoureux d’Annio et Servilia. La fluidité de ce dispositif contribue, pour une grande part, à la réussite d’un spectacle qui met en lumière avec acuité les conflits éternels liés au pouvoir et à la passion conjugués.
 

© Alain Kaiser

En Sesto, totalement méconnaissable dans ce rôle travesti, Stéphanie d’Oustrac montre autant d'intensité expressive dans l’émotion que de beauté vocale dans les registres les plus tendus : interprétation d’une persuasion saisissante ! A ses côtés, Benjamin Bruns, timbre assez mat, incarne un Tito noble en proie au doute et dont la magnanimité exprime toute la faiblesse face aux événements qui l’assaillent. Jacquelyn Wagner impose une personnalité très forte et très stricte en Vitellia : sûre de son fait en tailleur cintré et talons aiguilles, elle paraît uniquement possédée par un goût immodéré de la perversion. Dans ce rôle très exposé, ambitus large, elle réussit à vaincre les difficultés semées en chemin par Mozart même si son aigu reflète des couleurs un peu métalliques. Le personnage de Servilia est campé avec beaucoup d’à-propos par Chiara Skerath, fine et naturelle, et celui d’Annio avec une belle franchise de ton par Anna Radziejewska. Stature imposante, David Bizic en Publio, capitaine de la garde prétorienne, se distingue par sa violence physique malgré une voix de basse un rien charbonneuse.   
 
Bien que jouant sur instruments modernes, l’Orchestre symphonique de Mulhouse adopte, sous la direction incisive et pulsée d’Andreas Spering, une démarche proche des recherches baroques sans jamais tomber dans le cliché musicologique. Beaucoup d’allant, de rythme dans cette conception servie par des musiciens sachant conjuguer souplesse, vélocité (la clarinette et la clarinette basse en particulier dans leurs interventions solistes lors des airs de Vitellia et de Sesto) sous la conduite d’un chef à la fois précis et engagé. Une mention particulière pour le continuo tenu avec liberté dans les récitatifs par Cordelia Huberti, et aussi pour les Chœurs (Le Peuple de Rome) d’une fiabilité sans reproche. Un spectacle homogène et cohérent de bout en bout qui pose un regard captivant sur cette Clémence de Titus et sur les sentiments humains en général avec leurs conséquences politiques intemporelles.
 
Michel Le Naour
 
Mozart : La Clemenza di Tito – Strasbourg, Opéra, 21 février, prochaines représentations à Mulhouse (La Sinne) les 6 et 8 mars 2015 / http://www.concertclassic.com/concert/la-clemence-de-titus-de-mozart

Photo © Alain Kaiser

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