Journal
La clemenza di Tito au Teatro Real de Madrid – Vibrant hommage – Compte-rendu
« In memoriam Gerard Mortier », ainsi que le met en exergue le programme de salle du Teatro Real, la production de La clemenza di Tito vient de loin. Ursel et Karl-Ernst Herrmann avaient étrenné leur mise en scène à la Monnaie de Bruxelles en 1982, puis en 1992 à Salzbourg, avant de poursuivre chemin faisant à l’Opéra de Paris en 2005 et 2006, et en ce même Teatro Real en 2012, toujours à l’instigation de ce grand directeur d’opéra que fut Gerard Mortier (1943-2014) (1). Tant le temps ne semble pas avoir de prise sur cette magnifique réalisation.
Monica Baccelli (Sesto) et Jeremy Ovenden (Tito) © Javier del Real
À la fois plastiquement belle, avec ce vaste plateau immaculé ponctué de taches rouge sang, et dramatiquement juste, dans le moindre geste à travers les longs récitatifs et parmi la crudité d’un décor cristallin violemment éclairé, la mise en scène reste telle qu’en elle-même. Quelques effets semblent toutefois avoir été estompés le temps passant, comme la gigantesque pomme de terre (?) qui ne fait désormais qu’une apparition fugace pour porter la venue d’Annio, ou le volatile qui trône d’entrée pour ensuite définitivement disparaître. De splendides costumes, des arrière-plans en perspective toute baroque, contribuent à ce diamant lisse et sans défaut qui laisse à vif le beau message de tolérance (piqué de références francs-maçons) de l’ultime chef-d’œuvre de Mozart.
Une reprise, en forme d’hommage, donc, des plus appropriée, que sert pleinement la restitution musicale. Christophe Rousset, habitué du Teatro Real, mène ses troupes dans une dynamique de chaque instant. Le chœur et l’orchestre maison, adjoint de cors et trompettes naturelles ainsi que d’un piano-forte (à la charge de Rousset lui-même), répondent d’un seul élan, même si les parties chorales souffrent parfois de la dispersion de ses composants au sein de la salle elle-même. La distribution vocale s’y coule sans faillir. Karina Gauvin déploie une Vitellia d’une belle vitalité, bien qu’un peu appuyée. Jeremy Ovenden figure un Tito corsé, parfois un rien corseté. Mais le meilleur du chant revient Monica Bacelli, Sesto d’une texture et d’une expression immanentes, et à deux rôles secondaires : la Servilia ardemment soutenue de l’espagnole Sylvia Schwartz (déjà appréciée dans le répertoire de zarzuela), et l’Annio crânement lancé de Sophie Harmsen.
Pierre-René Serna
(1) www.concertclassic.com/article/memoriam-gerard-mortier-lelegance-et-le-gout-du-risque
Mozart : La clemenza di Tito - Madrid, Teatro Real, 21 novembre ; prochaines représentations : 24, 25, 26, 27 et 28 novembre 2016 / www.teatro-real.com/es/temporada-16-17/opera/la-clemenza-di-tito-16-17
Photo ( de g. à dr. ) : Monica Baccelli (Sesto) et Karina Gauvin (Vitellia) © Javier del Real
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