Un jeune homme de vingt et un ans décide de mettre en musique la pièce la plus cruelle jamais écrite par Shakespeare : Mesure pour mesure. Mettre en  musique, mais d’abord en tirer un livret puisque Wagner dès ses débuts ne fait confiance pour les mots comme pour les notes qu’à sa plume.
Adieux la cruauté et les ambiguïtés shakespeariennes, il transforme le sujet en une protestation de la jeunesse contre l’hypocrisie de la bourgeoisie allemande contemporaine et, pour éviter la censure, transporte l’action en Sicile. Son orchestre, après celui si germanique des Fées, est méconnaissable, tout en rythmes alertes, avec des clins d’œil  à Donizetti et dans la scène du couvent l’apparition d’un thème qu’on retrouvera dans… Tannhäuser.

Cet atelier ouvert des ambitions et de l’art d’un jeune génie ne cesse de fasciner. La tragicomédie imaginée par Wagner se heurta à l’indifférence du public et à celle de Louis II de Bavière qui avait déjà cédé aux sortilèges des Fées, Bayreuth dévoila l’œuvre en 1972, Sawallisch lui donna toute ses chances à Munich en 1983, Madrid l’a découverte il y a quelques semaines dans la mise en scène de Kasper Holten(1), Strasbourg, terre wagnérienne s’il en est, s’en empare aujourd’hui.

On peut faire confiance à Mariame Clément (photo) pour aviver la comédie et savourer les nœuds de l’intrigue, l’Opéra du Rhin a assemblé toute une troupe de jeunes chanteurs – on guettera particulièrement l’Isabella de Marion Ammann, le Claudio de Thomas Blondelle  et  Robert Bork, splendide basse chantante qui devrait donner tout son caractère irascible à Friedrich – sous la baguette historiquement informée de Constantin Trinks. A découvrir !

Jean-Charles Hoffelé

(1) Lire le CR : www.concertclassic.com/article/la-defense-daimer-au-teatro-real-de-madrid-un-divertissement-de-haute-volee-compte-rendu  

Wagner : Das Liebesverbot (La défense d’aimer)
Strasbourg - Opéra .
8, 13, 17, 19 & 22 mai 2016
Mulhouse -La Filature
3 & 5 juin 2016
www.operanationaldurhin.eu/opera-2015-2016--das-liebesverbot.html
 
Photo : Mariame Clément (pendant les répétitions de la Flûte enchantée en 2012 à Strasbourg) © Alain Kaiser