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La Traviata à l’Opéra Bastille - Benoît Jacquot victime de l’Eurovision – Compte-rendu
Durant le ballet espagnol chez Flora Bervoix, d’improbables cartomanciennes travelotes sont en proie à des crises de convulsions. Syndrome Conchita Wurz ? Ce sera la seule saillie d’un spectacle bien sage qui n’aura affiché qu’une idée : au I le brindisi se réduit aux seuls personnages principaux, observés par une bourgeoisie tout en noir, coiffée de hautes-formes, présence menaçante qui reparaîtra en nombre plus discret et très en fond de scène au III lorsque les musiques du mardi gras résonneront de la rue. Le bourgeois prédateur et moralisateur guette la femme, qu’on se le dise. C’est tout. Sinon pure tradition pour un spectacle sans histoire qui fera de l’usage, mais à qui ?
Le public de la Grande Boutique doit tout de même être bien déboussolé, qu’on a fait danser entre la tondeuse à gazon et la Violetta-Piaf de Marthaler - à tout prendre on préfère -, la petite maison dans la prairie de Monsieur Miller, avant de le remettre droit dans ses bottes devant cette illustration sans histoire. Sans histoire d’ailleurs au point que si vous ne saviez Violetta Valéry courtisane de luxe, rien ne vous le dirait, sinon la reproduction de l’Olympia de Manet et Annina (Cornelia Oncioiu) transformée à coups de brou de noix en négresse, transposition de l’art au réel qui fait sourire.
D’autant que même si Diana Damrau prend dans ses bras Francesco Demuro - joli Nemorino mais auquel l’art du chant comme le caractère complexe d’Alfredo échappent - on est certain à la fin de l’opéra qu’elle est morte vierge. Pas une once de sensualité, pas non plus le vertige des sentiments ou du plaisir, guère la certitude de la mort qui vient, mais un personnage étudié au millimètre jusque dans le chant, tenu, subtil, élégant toujours, jamais Violetta. Comble, un « Addio, del passato » encombré de maniérismes, où le tragique ne paraît pas. Cette Violetta s’ajoute à toutes celles venues de la colorature qui en oublient la vraie tessiture vocale, plus centrale. Qu’on nous rende Maria Chiara ou Pilar Lorengar, et si vous devez voir ce spectacle attendez sa reprise avec Ermonela Jaho, l’autre grande Violetta du moment avec Patrizia Ciofi.
Il suffit que paraisse le Giorgio Germont de Ludovic Tézier – ligne superbe, timbre profond, mots mordants – pour que soudain le chef-d’œuvre de Verdi existe, s’incarne. Aux saluts tout Bastille lui fait fête, et aurait dû aussi encenser de même Nicolas Testé qui en deux phrases dessine le plus pénétrant Granville qu’on ait croisé. Si l’on ajoute la direction éparpillée de Daniel Oren, on aura compris que cette Traviata, espérée comme un événement, est dispensable.
Jean-Charles Hoffelé
Verdi : La Traviata - Paris, Opéra Bastille, 2 juin ; prochaines représentations les 5, 7, 9, 12, 14, 17 et 20 juin 2014
photos © Opéra national de Paris / Elisa Haberer
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