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La Traviata à l’Opéra de Tours - Luxe et volupté – Compte-rendu
Transposée dans le Paris de l’Occupation entre le faste de l’hôtel Lutetia et péripéties de la Libération (Violetta apparaît tondue la fin de l’œuvre), la Traviata donnée au Grand Théâtre de Tours séduit aussi bien par la qualité de la mise en scène et des décors que par sa réussite musicale. Dans des costumes de rêve ou dans la nudité désespérante de la mort de l’héroïne, se joue la comédie humaine avec ses hauts et ses bas, Nadine Duffaut signant une mise en scène où la roche Tarpéienne est sans cesse proche du Capitole. Une réalisation minutieuse qui fonctionne à merveille et ne laisse jamais indifférent, évitant les effets trop appuyés (les brassards à croix gammée font une apparition subreptice), même si les projections vidéo épaississent un peu le trait.
Moins dévoyée que subtile, profil à la Romy Schneider, la Violetta de l’Allemande Eleonore Marguerre rend son personnage d’une simplicité touchante et d’une sincérité émouvante. Voix mozartienne, elle préfère la finesse des sentiments à l’ampleur tragique. Sa pureté d’émission, son aisance technique permettent d’évoquer davantage un personnage aux sentiments profonds qu’une Dame aux camélias superficielle et affectée. Classieux, Sébastien Droy possède le physique du rôle d’Alfredo dont il réussit à exprimer tous les états d’âme avec une véritable force de conviction. Très humain, il offre une belle ligne de chant mais fait preuve d'un peu trop de retenue sur le plan expressif. Kristian Paul impressionne dans le rôle de Germont par sa carrure de Commandeur, sa présence scénique, son autorité aussi bien vocale que théâtrale (vraie leçon de chant que son duo avec Violetta au II). Seconds rôles au cordeau dont se détachent la Flora très piquante de Pauline Sabatier, l’Annina empathique de Blandine Folio Peres, le Baron distingué de Ronan Nédélec ou le Docteur bien campé de Guillaume Antoine.
Sans la direction de Jean-Yves Ossonce, ce spectacle n’aurait pas l’intensité (des tempi enlevés) et la sensualité amoureuse (l’accompagnement des voix) qui rendent cette Traviata aussi captivante qu’attachante. L’Orchestre Symphonique Région Centre-Tours, par son souci de raffinement et son engagement, tout comme le Chœur de l’Opéra préparé avec soin par Emmanuel Trenque, contribuent au succès de cette soirée. Le public d’ailleurs ne s’y est pas trompé : venu nombreux, concentré, il fait un triomphe mérité à tous les protagonistes du drame.
Michel Le Naour
Verdi : La Traviata - Tours, Grand Théâtre, 26 mai 2015
Photo © François Berthon
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