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Lahav Shani et Edgar Moreau à l’Orchestre de Paris - Vigoureuse jeunesse – Compte-rendu
Impressions contrastées pour la nouvelle sensation des chefs d’orchestre de la jeune génération : Lahav Shani (photo), 28 ans, faisait ses débuts avec l’Orchestre de Paris. Certes, le planning de l’année du chef israélien est proprement stupéfiant : bientôt chef principal de la Philharmonie de Rotterdam, il volera de Londres à Berlin, de Zurich à Boston, de Stockholm à Amsterdam, et les prestigieuses formations qui l’invitent ont toutes été séduites par le charisme incontestable du jeune homme, également plébiscité par les difficiles Viennois, qui lui ont confié le poste envié de premier chef invité de l’Orchestre Symphonique.
D’où vient une légère insatisfaction envers un côté un rien mécanique, une efficacité parfaite mais sans lyrisme vraiment prenant, surtout pour la bouleversante Symphonie n°6 « Pathétique », de Tchaïkovski, laquelle ne convient peut-être pas à la sensibilité de l’Orchestre de Paris. Sans partition, une direction dans la lignée de celle de Daniel Barenboim – aîné qui le soutient d’ailleurs vigoureusement –, par sa fermeté et son caractère volontaire, avec le sentiment que le jeune chef ne veut pas laisser la part trop belle à l’émotion. Et dans Tchaïkovski, même s’il vaut mieux éviter les dégoulinades, elle est tout de même majeure !
Même puissance frontale dans l’ouverture de Guerre et paix, de Prokofiev, martiale et sarcastique à souhait, avec des élans de lyrisme vite voilés. La clarté du propos était reine et l’équilibre des volumes impressionnant d’éloquence, magnifiée par l’engagement de l’Orchestre de Paris, pleinement en accord avec le chef.
Edgar Moreau © Julien Mignot
Programme russe, donc, mais dont la présence d’Edgar Moreau pour le Concerto pour violoncelle n° 1 de Chostakovitch, a fait dévier la perception. Le son du jeune prodige est toujours de velours, l’un des plus charnus, des plus tendres qui se puisse entendre et son style surprenant, surtout dans cette pièce écrite en 1959 et dédiée au plus grand fauve de l’histoire du violoncelle du XXe siècle, Mstislav Rostropovitch, qui la créa à Léningrad avec Evgueni Mravinski. Ses enregistrements ont popularisé les coups d’archet bizarrement interrogateurs sur lesquels s’ouvre l’œuvre, superbe cadeau pour le violoncelle qu’elle exploite avec tendresse, à l’évidence, plus que pour l’orchestre, pour lequel Chostakovitch a composé une musique répétitive plus séduisante que puissante.
Différemment de son grand devancier, Moreau, de sa patte tendre ou vive, introduisait une sorte d’humanité dans ce festival de couleurs fortes, tandis que Shani en amplifiait le caractère provoquant. Deux natures à l’évidence peu apparentées musicalement, en dépit de leur jeunesse et d’une évidente sympathie, mais dont le talent a électrisé la salle.
Jacqueline Thuilleux
Philharmonie de Paris, le 21 septembre 2017.
Photo Lahav Shani © Marco Borggreve
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