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L’autre opéra noir - Treemonisha de Scott Joplin au Châtelet
Tout le monde connaît Porgy and Bess, ne serait-ce que par « Summertime », opéra noir d’un compositeur blanc (mais juif). Personne ne connaît Treemonisha, premier opéra écrit sur des noirs par un noir. Le Châtelet, que l’on devrait rebaptiser Théâtre américain de Paris depuis l’avalanche de musicals qu’il a déclenchée, le monte avec courage en première française.
Scott Joplin, l’enfant terrible du ragtime, claviériste funambule, s’était déjà frotté à l’Opéra, avec une partition que l’on n’a jamais retrouvée, A Guest of Honour (1903), et qui connut une seule représentation privée par la très fugitive - ségrégation oblige - Scott Joplin Drama Company. En 1907, Joplin résolut de s’installer à New York, espérant en Broadway. Las, son second ouvrage lyrique connaîtra le même sort : une représentation privée en 1911, quatre années après que la partition ait été achevée. Ce second échec brisa toutes ses ambitions de compositeur et hâta sa mort, deux années plus tard, plongée dans la démence syphilitique.
Et pourtant Treemonisha est une partition admirable, un véritable opéra enchaînant récitatifs, airs et ensembles, conclut par un dernier tableau qui soulèverait des montagnes, d’une écriture savante remarquable qui prouve que cet art s’abreuvait aux sources les plus diverses.
Malgré cela l’œuvre n’est jamais un patchwork et la richesse de sa musique fait passer la relative lourdeur de son livret : on y célèbre la libération du peuple noir par l’alphabétisation au travers du combat de Treemonisha contre des exploiteurs. Le fait le plus étonnant est bien que l’opéra célèbre le leadership d’une femme, et noire de surcroît… Un siècle plus tard l’exemplarité de Treemonisha réside certainement dans cette donnée en tous points révolutionnaire.
L’œuvre est demeurée longtemps maudite. On la redécouvrit dans le courant des années 1970, d’abord aux USA, puis en Allemagne grâce à l’excellente orchestration de Günter Schüller, supérieure à celle de Thomas J. Anderson. Le revival selon Schüller a d’ailleurs été enregistré et est édité chez Deutsche Grammophon.
C’est dans cette orchestration que le Châtelet présente l’ouvrage : qu’en feront Blanca Li et Roland Rouve ? La distribution promet : Adina Aaron dans le rôle titre aura pour parents Grace Bumbry et Willard White, luxe absolu, tout ce beau monde dirigé par Kazem Abdullah à la tête de l’Ensemble Orchestral de Paris.
Jean-Charles Hoffelé
Scott Joplin : Treemonisha (création française) - Théâtre du Châtelet, le 31 mars, puis les 2, 4, 6, 8 et 9 avril 2010
Photo : DR
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