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Le « Block 15 », une sobriété habitée
Nombreux ceux qui déjà, et à juste titre, ont fait l’éloge de « Block 15 » que jouent et interprètent la violoncelliste Emmanuelle Bertrand et le pianiste Pascal Amoyel, dans une mise en scène de Jean Piat. Inspiré de l’histoire d’Anita Lasker-Wallfisch et de Simon Laks qui, déportés à Auschwitz, échappèrent à la mort grâce à leur art – il leur valut d’être internés dans le Block 15 du camp, réservé aux musiciens –, le spectacle a déjà beaucoup tourné en France.
Repris depuis le 20 novembre à Paris, il aura peut-être échappé à l’attention de certains en raison du contexte très perturbé la semaine passée. Par chance, «Le Block 15 » tient à l’affiche jusqu’au 1er décembre et, l’ayant découvert à cette occasion, je ne peux qu’inciter ceux qui ne l’auraient pas encore fait à courir au Théâtre du Renard.
A partir d’un sujet hautement dramatique et délicat à aborder, Emmanuelle Bertrand, Pascal Amoyel et Jean Piat on su bâtir un spectacle d’une heure et quart dont la densité frappe autant que la sobriété. Une sobriété habitée qui, en fuyant continûment toute dimension larmoyante, parvient à la mise en perspective historique du sujet et à l’évocation de sa terrible réalité quotidienne, avec les interrogations qu’il suscite ; les ambiguïtés qu’il révèle - cet officier SS qui demande à pouvoir écouter de la musique juive en secret…
Impeccablement équilibré entre paroles et musique (Kreisler, Bach, Liszt, Bloch, Greif, Chopin, Laks, Messiaen, Amoyel) – avec parfois certaines superpositions, très efficaces du point de vue dramatique -, «Le Block 15 » atteint son point culminant au moment de la Louange pour l’éternité de Jésus tirée du Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen. On n’est pas prêt d’oublier, au commencement du morceau, le regard d’Emmanuelle Bertrand tourné vers le ciel tandis que la musique se fait l’accompagnatrice de l’âme d’Alma Rosé(1) dans sa course vers ce que chacun nommera selon ses convictions.
Dans tous les cas, la force, l’authenticité et la complicité, sans parler de l’engagement musical, qui se dégagent de la prestation des deux jeunes interprètes captivent et bouleversent.
Alain Cochard
Théâtre du Renard, le 24 novembre 2007
(1) La nièce de Gustav Mahler était en effet chef de l’orchestre des femmes du Block 15…
Jusqu’au samedi 1er Décembre 2007
Photo : DR
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