Fidèle à la mise en scène d’Otto Schenk, vieille de plus d’un demi-siècle, Munich ne voulait pas d’autre Rosenkavalier que celui qui faisait depuis si longtemps les beaux soirs de l’institution bavaroise ; son actuel directeur musical Vladimir Jurowski est pourtant parvenu à ses fins en demandant à Barrie Kosky de bien vouloir associer son nom à ce titre phare. Covid oblige, cette nouvelle production, diffusée sur Arte le 21 mars et accessible en replay, a bien entendu été créée sans public.

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Placée sous le signe du temps qui passe, la lecture du metteur en scène australien, contemporaine mais sans radicalité, se veut d’une grande lisibilité. L’horloge de laquelle sort la Maréchale au 1er acte, symbole de l’inexorabilité de l’existence, ponctue ainsi l’intrigue, du balancier sur lequel elle se retrouve au final du 1 jusqu’à la dernière scène où celle-ci se réfugie sous son cadran – en référence à Marlene Dietrich dans Shangaï Express, vêtue d’un splendide manteau noir au col emplumé et éclairée d’en haut à la manière de Sternberg. Nous sommes évidemment loin des décors et des costumes propres à la société viennoise du XVIIIe, respectée à la lettre par Schenk ou par Rudolph Hartmann dans le célèbre film capté sur le plateau de Salzbourg en 1960 (Schwarzkopf/Karajan), pour laisser ici la place à une évocation moderne et plus personnelle.

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Erotisme affiché au 1 avec une Marie-Thérèse en petite tenue, absence totale de magie au 2, à l’exception de ce splendide carrosse argenté d’où sortira le chevalier, plateau séparé par le rideau d’une salle de spectacle situé en fond de scène au 3, parfaite mise en abyme du drame, le tout joué avec naturel dans l’exaspération générale. Pour donner vie à ce huis clos ainsi décapé, Barrie Kosky dispose d’une excellente distribution qui se prête sans résistance à ses moindres volontés.
Hier frémissante Sophie (et à Munich en 2006), Marlis Petersen est aujourd’hui une Maréchale de grande tenue vocale, séduisante et volontaire qui, sans cacher son émotion, sait se montrer agressive notamment à son retour au 3 ; sa diction superbe et la qualité de son expression font tout le prix de sa performance qui devrait gagner encore en profondeur avec le temps …
 

Vladimir Jurowski © Drew Kelley

Inutile de chercher dans le timbre assez prosaïque de Samantha Hankey les réminiscences de ceux d’une Jurinac, d’une Ludwig, ou même d’une Von Otter, mais la mezzo a du caractère et de l’endurance ce qui lui permet de saisir les traits saillants du personnage et de montrer son évolution entre le jeune énamouré et le futur amant.
La Sophie de Katharina Konradi ne fait pas rêver, surtout à son entrée qui la montre courte de ligne et de respiration, mais la jeune cantatrice a du cran et finit pas imposer un portrait plutôt flatteur de l’héroïne. En Ochs, le baryton Christof Fischesser doté d’une voix large, fait des étincelles, séducteur impénitent et sans scrupules qui finira conspué par un une salle exaspérée, tandis que Faninal trouve en Johannes Martin Kränzle un comédien-chanteur de grande qualité. A noter également les bonnes prestations de Daniela Khöler (Marianne), de Urusla Hesse von den Steinen (Aninna) et de Wolfgang Ablinger Sperrhacke (Valzacchi) sans oublier celle, remarquable, de Martin Snell en Commissaire.

Nous attendions sans doute trop de la direction de Jurowski qui joue, vite, tendu et sans beaucoup d’âme une partition à jamais marquée par Karajan ou Kleiber. De plus, pour pallier le manque d’instrumentistes – l’orchestre est amputé de moitié de son effectif, ce que la présence étrange d’un piano tente de combler – le chef-d’œuvre de Strauss perd en brillant et en onctuosité au profit d’un aspect anguleux qui le dénature en partie. Mention spéciale pour la belle réalisation signée Henning Kasten.

François Lesueur

Strauss : Der Rosenkavalier – Capté à la Staatsoper de Munich, le 21 mars 2021. Disponible sur Arte Replay jusqu’au 19 avril : www.arte.tv/fr/videos/102651-000-A/richard-strauss-le-chevalier-a-la-rose/

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