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Le Chevalier à la rose selon Damiano Michieletto à l’Opéra national de Vilnius – Eloge de la boule à neige –Compte rendu
Dans un espace découpé en trois espace s’ouvrant l’un sur l’autre, de l’avant-scène jusqu’au fond du théâtre, Michieletto montre une Maréchale présente presque de bout en bout, notamment dans le deuxième acte où elle ne chante pas, mais où la titulaire du rôle est visible (ainsi que trois figurantes incarnant le personnage à différents âges de sa vie). Le personnage, sans quitter le déshabillé dans lequel on la découvre au lever du rideau, et presque sans jamais sortir de sa chambre, se retrouve ainsi propulsé dans la fonction de meneur de jeu, car c’est visiblement elle qui organise le piège dans lequel le baron Ochs finit par tomber au dernier acte. Mais cette Maréchale est aussi victime, de l’indifférence de son époux, qui fait plusieurs apparitions tout au long de ce spectacle intellectuellement brillant et esthétiquement très réussi.
A Vilnius, pas de stars internationales comme devait en afficher La Monnaie en 2020, mais une solide double distribution très majoritairement lituanienne (à quand une Maréchale française sur la scène de l’Opéra de Paris ?). Parmi les quatre rôles principaux, deux chanteurs assurent l’ensemble des représentations, chantant parfois deux soirs de suite : la basse autrichienne Albert Pesendorfer, dont le Lerchenau, moins balourd que ce n’est souvent le cas, prend de plus en plus d’assurance, alors même que la mise en scène se charge d’emblée de le montrer échouant dans ses tentatives sur la gent féminine ; la mezzo croate Jelena Kordić, superbe Octavian au timbre dense et dont la plastique avantageuse est mise en valeur par son travestissement en Mariandel. A leurs côtés, une Maréchale brune et une Sophie blonde (c’est l’inverse dans le cast A) : Viktorija Miškūnaitė, vive, amoureuse, d’un naturel qui tranche avec la raideur aristocratique de certaines, et dont la voix est dotée d’un vibrato serré qui rend plus émouvantes ses interventions, et Monika Pleškitė, jeune fille qui ne s’en laisse pas conter, dont la solidité dans le registre aigu compense des graves un peu confidentiels. Si l’on regrette un Faninal manquant un peu de vaillance, on salue la performance du tandem Annina-Valzacchi, dont Damiano Michieletto fait un couple de frères ennemis, voire siamois, aux déplacements chorégraphiés : ténor de caractère, Rafailas Karpis joue admirablement de sa petite taille, tandis que sa « jumelle » Regina Šilinskaitė lui donne fort adéquatement la réplique. Interprétant son air en coulisse, le ténor turc Deniz Leone donne le maximum en chanteur italien. Parmi les personnages secondaires, on savoure la prestation bien caractérisée de Liudas Mikalauskas en commissaire de police.
Pris à froid par une ouverture un peu privée de relief, l’orchestre dirigé avec fermeté par le chef romain Sesto Quatrini, directeur artistique de l’Opéra de Vilnius, se rattrape par la suite, avec un jeu de plus en plus engagé, notamment de la part du pupitre des bois qui fait un sort à tous les traits audacieux que lui a confiés Richard Strauss.
Laurent Bury
Photo © Martinas Aleksa
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