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Le Choeur de Radio-France à Sainte-Clotilde - Bach dans la cour des grands - Compte-rendu
Entre la Passion selon Saint-Jean déclinée par Frans Brüggen et son Orchestre du XVIIIème siècle, celle revisitée par Christoph Prégardien, le Concert Lorrain et le Nederlandse Kamerkoor et celle proposée par le Choeur de Radio-France qui nous occupe ici, il n'y avait, ces jours derniers, que l'embarras du choix pour les amoureux de Bach; sans parler de la Saint-Matthieu, confiée, entre autres, aux bons soins de Pierre Cao et de son choeur Arsys Bourgogne, puis de Marc Minkowski et de ses Musiciens du Louvre.
Certes, un choeur français n'est pas a priori la formation idéale dans ce répertoire. Lui manque assez souvent une bonne connaissance de la langue allemande et de la spiritualité luthérienne collective (précisément, le rôle des chorals harmonisés qui jalonnent de leurs commentaires le parcours douloureux du Christ). Des réserves qui, très heureusement, n'affectent pas le remarquable travail sur le mot et sur la prière réussi par Matthias Brauer conduisant nos compatriotes.
D'évidence, le chef allemand excelle dans ce rôle de serviteur dévot du Cantor. De ce point de vue, significative était l'entente qui régnait en l'église Sainte-Clotilde entre ses choix directionnels et le bonheur acoustique émané du choeur (la fureur des turbae) comme du chant des solistes, outre la caution d' un valeureux instrumentarium, parfaitement à l'aise dans la rhétorique des Passions.
Dès l'imposant portique liminaire Herr, unser Herrscher, le ton est donné, tout ensemble sacral et représentatif, en accord avec le sens profond du drame qui se joue ici, non seulement au niveau narratif avec sa dimension descriptive et psychologique, mais aussi au niveau théologique et liturgique.
Dans cet esprit, Brauer sait associer à merveille affliction et solennité, imposant un climat d'urgence et, si j'ose dire, de suspense, «à l'image d'un dieu fait homme».
Seul petit nuage : cette lecture hautement signifiante n'évitait pas quelques légères approximations chez un ou deux solistes. Ainsi l'évangéliste d'Adrian Brand semblait parfois timide dans l'expression, malgré de jolis détails dans le «dire», tout comme la soprano Barbara Vignudelli qui n'a besoin que d'assurance. En revanche, l'alto très musical de Brigitte Vinson (un Es ist vollbracht d'anthologie) et la basse de Vincent Lecornier, qui incarnait un Jésus pétri d'humanité sans préjudice pour le style, étaient les points forts d'une distribution qu'on retrouvera avec un vif intérêt dans d'autres oeuvres majeures du concert baroque.
Roger Tellart
Paris, basilique Sainte-Clotilde, 18 avril 2012
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Photo : Radio France Christophe Abramowitz
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