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Le Couronnement de Poppée selon J.F. Sivadier à l’Opéra de Lille - Du sang et des larmes - Compte-rendu
Chant du cygne de Monteverdi composé un an avant sa mort en 1643 à Venise, Le Couronnement de Poppée est l’aboutissement dramatique et lyrique d’une œuvre protéiforme et étonnamment moderne. Avec la mise en scène de Jean-François Sivadier de cette production lilloise, le théâtre est déjà dans le théâtre : avant même le début du spectacle, les chanteurs s’interpellent et se déplacent sur scène dans un regard distancié et brechtien. Les deux héros Poppée et Néron apparaissent ensuite en plein jour à l’issue de leur nuit d’amour torride (« Signor, signor, deh ! Non partire ! » susurre l’intrigante Poppée à l’égard de son amant). Murs sombres, décor minimaliste (panneaux modulables au gré des événements, déplacements de statues, tentures rouge et or manipulées avec dextérité…). Le plateau devient un terrain de lutte où les passions se livrent un combat sans merci (le suicide de Sénèque, la répudiation d’Octavie…).
A la tête d’un Concert d’Astrée en très belle forme, Emmanuelle Haïm impulse du clavecin rythme, mouvement, souplesse. Distribution de haute volée : Sonya Yoncheva en Poppée ajoute à la qualité du timbre une sensualité très suggestive quasi cinématographique. Le contre ténor Max-Emanuel Cencic campe un Néron un peu hystérique dans ses aigus mais impressionne par sa violence dramatique. On aura des yeux de Chimène pour les qualités de tragédienne de l’Octavie d’Ann Hallenberg qui exprime avec force des affres de femme meurtrie dans sa chair. La sensibilité d’Amel Brahim-Djelloul en Drusilla est touchante et Paul Whelan incrane un Sénèque noble et convaincant. Seul l’Othon de Tim Mead apparaît palot au sein de ce festival vocal. Les rôles secondaires sont impeccablement tenus à l’image de la Nourrice travestie d’Emiliano Gonzalez Toro, de la Vertu de Khatouna Gadelia, de l’Amour poétique de Camille Poul. On regrettera toutefois, à la fin du IIIème acte, le bref rappel historique (dit par un comédien) dont on comprend l’intention mais qui interrompt le mouvement du drame, faisant s’enliser in fine le superbe duo Néron-Poppée (« Non più, non più s’interporra ») dans le décor stylisé de la fastueuse salle du trône de la Rome impériale.
L’enthousiasme du public est à son comble au terme des trois heures d’une fresque musicale et théâtrale haute en couleur qui, par-delà les siècles, a toujours valeur d’actualité.
Michel Le Naour Monteverdi : Le Couronnement de Poppée - Lille, Opéra, 14 mars 2012, prochaines représentations les 16, 18, 20 et 22 mars, puis reprise à l’Opéra de Dijon les 1er et 3 avril 2012.
Michel Le Naour
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Photo : DR
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