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Le Dernier Évangile de Thierry Escaich referme la saison 2014-2015 de Notre-Dame de Paris – En version pour deux orgues – Compte-rendu
Sans doute est-ce le signe d'une œuvre qui d'emblée a trouvé sa place dans le répertoire sacré contemporain : redonné en la cathédrale Notre-Dame de Paris pour le 15ème anniversaire, jour pour jour, de sa création, l'oratorio de Thierry Escaich (photo) Le Dernier Évangile (1), à la différence de tant d'œuvres brillamment créées mais rarement ou jamais reprises, s'enorgueillit d'ores et déjà d'une riche histoire en termes de productions. Thierry Escaich qui, le 24 juin dans le foyer du Théâtre du Châtelet, était couronné par l'Académie du Disque Lyrique (Prix de la Sacem), ainsi que son librettiste Robert Badinter, pour la production lyonnaise de son opéra Claude (mise en scène d'Olivier Py, DVD Belair) – dans le même temps, les deux dernières productions discographiques de Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris étaient elles aussi honorées par l'Académie (Prix Olivier Messiaen) : Vêpres de la Vierge de Philippe Hersant (2), Le Livre de Notre-Dame (3, 4).
Le concert du 30 juin s'ouvrait sur une œuvre de Maurice Duruflé, prédécesseur de Thierry Escaich à la tribune de Saint-Étienne-du-Mont (depuis 1997, avec Vincent Warnier) : Prélude et Fugue sur le nom d'Alain, interprété au grand orgue pour l'occasion non par Escaich mais par Yves Castagnet – fluidité, réserve et élévation, avant de basculer presque sans transition dans le virtuose emportement final, sur un tutti choisi, toujours d'une même décence revendiquée, bien dans l'esprit du compositeur : pour entrer spirituellement dans le programme de la soirée. Suivirent, de Duruflé toujours, les fameux Quatre motets sur des thèmes grégoriens op. 10, pièces a cappella habituellement enchaînées et à la brièveté desquelles répondent une concentration et une concision de la matière musicale rehaussant leur insigne beauté. Leur impact en fut d'une certaine manière amoindri par l'insertion en alternance d'improvisations développées, au demeurant magnifiques, de Thierry Escaich reprenant chaque fois le fil du style de Duruflé avant de poursuivre à sa manière propre. Et d'enchaîner, après le très pur Ubi caritas final, sur les Litanies de Jehan Alain – citées par l'œuvre initiale de Duruflé –, toujours par Escaich, maître du rythme d'une ardente précision dans cette page hypnotique.
Sans transition, comme si tout ce qui avait précédé n'avait eu pour mission que de créer des conditions idéales d'écoute et d'intériorité pour l'œuvre à venir, fut donc redonné Le Dernier Évangile de Thierry Escaich, cette fois dans la version avec deux orgues. Commandée par et créée à la cathédrale de Saint-Malo le 30 juin 2000, l'œuvre dans sa version originelle est pour double chœur mixte, orchestre et orgue. C'est sous cette forme qu'elle fut redonnée les 18 et 19 juin 2002 à Notre-Dame de Paris et « officiellement » enregistrée (il existe d'autres témoignages en concert) par les disques Hortus (CD 024) – à l'Orchestre de Bretagne dirigé par Edmon Colomer ayant alors fait suite l'Ensemble Orchestral de Paris sous la baguette de John Nelson, avec Olivier Latry au grand orgue. Entre-temps avait vu le jour une version avec deux orgues concoctée dans l'urgence (du fait de l'impossibilité de disposer de l'orchestre prévu) lors de la reprise de l'ouvrage, le 30 septembre 2001, pour le 25ème anniversaire du Festival de Masevaux, avec Thierry Escaich et Vincent Warnier aux claviers et la Maîtrise Notre-Dame de Paris, comme l'année suivante pour l'enregistrement Hortus. La version définitive pour deux orgues fut ensuite créée lors du Musikfest de Stuttgart en 2005.
Si en 2002 le Chœur Britten de Nicole Corti, à la tête de tous les pupitres vocaux, s'était joint à la Maîtrise de la cathédrale, pour cette reprise de 2015 la Maîtrise, remarquable d'intensité, de discipline et de dramaturgie, assumait seule la charge du double chœur et des nombreuses et brèves interventions solistes : Chœur d'enfants, Jeune Ensemble et Chœur d'adultes, tous réunis sous la direction puissante et engagée d'Henri Chalet, avec Thierry Escaich en tribune et Yves Castagnet à l'orgue de chœur. Des deux versions, aussi naturellement légitimes l'une que l'autre, celle pour deux orgues sembla presque mieux en situation, favorisant l'impact émotionnel qui à tout moment se dégage de cette fresque imposante dont les claviers assument avec grandeur toute la richesse (le seul regret orchestral étant peut-être l'absence des percussions), avec pour le grand orgue une partie réellement colossale, omniprésente bien que sur une échelle d'interventions d'une infinie variété. Quant à la Maîtrise, plus de dix ans après la première audition à Notre-Dame, il est indéniable qu'elle s'est prodigieusement affirmée – dominant ainsi avec une parfaite aisance jusqu'aux innombrables et redoutables attaques scandées dans le suraigu de maintes sections. On espère que, pour boucler la boucle et offrir de l'œuvre ses deux versants contrastés, Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris aura à cœur de publier l'enregistrement réalisé lors de cette soirée mémorable.
Michel Roubinet
Paris, cathédrale Notre-Dame, 30 juin 2015
(1) http://www.escaich.org/pages/catalogue/vocal-choral-instrument-s/le-dernier-evangile.html
(2) http://www.concertclassic.com/article/les-vepres-de-philippe-hersant-notre-dame-de-paris-musique-de-lespace-compte-rendu
(3) http://www.concertclassic.com/article/du-livre-de-notre-dame-aux-vepres-de-philippe-hersant-la-cathedrale-de-paris-haut-lieu-de
(4) http://www.musique-sacree-notredamedeparis.fr/#!les-disques-de-la-matrise-notre-dame-de/c1kdt
Thierry Escaich
http://www.escaich.org
Photo © DR
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