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Le Disque de la Semaine – «The Angels » par Les Métaboles (#NoMadMusic) ou le temps suspendu – Compte-rendu

Pas à pas, sans précipitation, Léo Warynski (photo) et les Métaboles bâtissent une discographie dont chaque nouveau jalon fait date par sa cohérence et son degré d’aboutissement. Un an après « Jardin féerique », merveilleux programme franco-anglais (1), le chef et ses chanteurs nous conquièrent à nouveau avec « The Angels ». Pour ceux qui étaient présents à Royaumont (où les Métaboles sont en résidence depuis 2019), cet enregistrement ravivera le souvenir d’un concert remarqué à l’orée du Festival 2019 (2)
La mise en dialogue de répertoires d’époques différentes, parfois très éloignées, est souvent de mise dans les programmes imaginés par Léo Warynski. Une diffusion dans le cadre de la Biennale Boulez l’a récemment illustré, où Palestrina jouxtait le génial et saisissant Requiem de Francesco Filidei (3).
 
William Byrd = Ave verum corpus (ext)
 
Jonathan Harvey : Come, Holy Ghost (ext.)

Dans « The Angels », intitulé emprunté à une pièce de Jonathan Harvey, la musique de l’artiste britannique, disparu en 2012, forme le socle d’un programme où l’on trouve aussi des pages de Palestrina, Purcell et Byrd. L’Ave verum corpus de ce dernier, placé en introduction donne le ton : une magique sensation s’installe, plaçant l’auditeur dans une bulle spatio-temporelle qu’il quittera – à regret ! – avec le The Angels conclusif.
 

William Purcell : Remember not, Lord, our offenses (ext.)

Jonathan Harvey fut très marqué durant ses jeunes années (à St Michael’s College) par la tradition chorale anglicane. La force des pages que l’on découvre ici tient à un solide ancrage dans cet héritage (ce qui n'empêche pas une référence au grégorien dans Come, Holy Ghost), conjugué à une science des sons, une modernité d’écriture (n’oublions pas que, dans d’autres ouvrages, Harvey, grand admirateur de Stockhausen, a beaucoup fait appel à l’électronique) qui ne s’expriment jamais au détriment de la dimension spirituelle. Cette manière de tendre la main au passé s’illustre de manière pour le moins fascinante, en plein cœur du programme, avec l’enchaînement du Remember not, Lord, our offenses de Purcell au Remember, O Lord de Harvey – auquel succède le Stabat Mater pour double choeur de Palestrina !  

Les Métaboles © Elsa Laurent
 

Par le niveau individuel des membres des Métaboles (au nombre de 16 ici) aussi bien que la discipline et la cohésion parfaites du groupe, Warynski parvient à modeler le matériau sonore avec une précision et un relief confondants (plusieurs pièces de Harvey font appel à une écriture à double chœur), que l’on ne goûte que mieux grâce à la qualité de captation, précise mais dénuée de toute sécheresse, réalisée par les équipes techniques de France Musique (Adrien Gazza, directeur du son / Elsa Biston, direction artistique) dans le Réfectoire des moines de l’abbaye de Royaumont. «Ici le temps devient espace » ... On pourrait reprendre les paroles de Gurnemanz pour traduire la sensation de temps suspendu procurée par un voyage musical que The Angels clôt, avec une profonde simplicité.
 
Pour fêter la sortie de leur disque, concentré de beauté pure, Léo Warynski et ses chanteurs avaient prévu un concert à Paris, rendu hélas impossible par la prolongation de la crise sanitaire. C’est donc du lieu d’enregistrement de « The Angels », l’abbaye de Royaumont, qu’ils nous proposent de le suivre en streaming, le 25 mars à 20h30 sur la plateforme Recithall, où il demeurera par la suite accessible.

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