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Le Disque de la Semaine - Intégrale des 16 Concertos pour orgue de Haendel ; Jean Guillou transcripteur-recréateur
Des versions hors du temps signées E. Power Biggs (London Symphonic Orchestra, Sir Adrian Boult) ou Simon Preston (Menuhin Festival Orchestra), en passant par les approches successives de Marie-Claire Alain (avec Paul Kuentz, Karl Ristenpart ou Jean-François Paillard mais aussi, sur instruments anciens, le Freiburger Barockorchestra), jusqu'aux versions « philologiques » (par exemple Bob van Asperen dirigeant du clavier l'Orchestra of the Age of Enlightenment), on pourrait se dire que l'on a tout entendu.
C'est oublier les transcriptions pour orgue seul. Les parties solistes sont en elles-mêmes d'authentiques tours de force dont chaque note est surexposée, alors on imagine quand le soliste doit rendre justice simultanément à sa partie de clavier et à l'orchestre réunis sous ses doigts et pieds. Marcel Dupré avait déjà transcrit ces Concertos (et gravé dès 1936 un digest de l'Op. 4 n°2 au Queen's Hall de Londres), publiés chez Bornemann.
Jean Guillou © DR
Jean Guillou, à maints égards si différent de Dupré, mais son « élève » au Conservatoire de Paris bien que revendiquant intuitivement une formation de quasi-« autodidacte » en composition ou orchestration, en réalisa une transcription très singulière et d'une redoutable fidélité au texte, tout en allant plus loin : pour chaque cadence, chaque section ou mouvement indiqué ad libitum par Haendel (qui laissait l'instrumentiste – lui-même en l'occurrence, grand improvisateur – développer la pièce en réalité manquante), Jean Guillou a composé les sections destinées à être insérées. Ces cadences et ad libitum, de quelques secondes à plusieurs minutes selon ce que Haendel requiert, ont été publiés chez Schott (Mayence).
On y trouve quantité d'incises strictement dans l'esprit et le style de l'époque, dont un fameux Larghetto semblant du pur Haendel (Concerto n°8) bien qu'entièrement jailli de la plume de Jean Guillou, jusqu'à des cadences faisant exploser le cadre formel et propulsant l'esprit de l'œuvre dans le temps futur (on songe, dans un autre contexte, aux cadences d'un Wilhelm Kempff pour les Concertos de Beethoven), sans le moindre hiatus cependant, tant la dynamique de la cadence ou de l'ad libitum est elle-même pure résultante du texte de Haendel. Le livret comporte un tableau synoptique indiquant l'emplacement précis (mesures de la partition, minutages de début et de fin) de chaque cadence ou ad libitum, œuvres et interprétation étant ensuite abondamment commentées par Vincent Crosnier.
Le présent coffret offre pour la première fois l'intégrale des 16 Concertos tels que transcrits par Jean Guillou, magnifiquement captés sur le vif lors d'une tournée en Hollande : huit concerts sur un rythme d'enfer (l'effort démesuré de mémoire que représente cette intégrale donnée par cœur ! – tout comme les autres pièces) entre le 24 juin et le 5 juillet 1980, soit deux Concertos par concert, alors complétés d'œuvres comme la Passacaille, la Toccata, Adagio et Fugue ou la Fantaisie et Fugue en sol mineur de Bach, ou encore des pièces de Vivaldi (transcrit par Guillou), Mozart, Mendelssohn, Liszt, Franck, Vierne, Prokofiev et bien sûr Guillou (pièces écrites ou improvisation). Le tout sur des orgues célèbres, historiques pour la plupart, d'Amsterdam, Gouda, Goes, Utrecht, Leeuwarden, Raalte, Breda et Rotterdam (programmes des concerts et compositions des orgues sont indiqués).
Le plus extraordinaire tient aussi à ce que ce coffret, outre les 3 CD de l'intégrale hollandaise, offre une anthologie empruntant à ces mêmes Concertos (une intégrale aurait dépassé les possibilités économiques d'un tel projet), Jean Guillou interprétant les n°1, 2, 4, 8, 9, 10, 12, 13, 15 (+ le premier mouvement du n°11) à l'orgue Klais de la cathédrale Santa María de León (Espagne). Dernier instrument monumental en date (2013) construit selon les directives et orientations esthétiques de Jean Guillou, cet orgue de León est pour son concepteur le plus abouti de tous. L'harmonisation extrêmement chaleureuse et racée de l'instrument ainsi que la disposition en quatre buffets (chacun doté de deux façades, sur chœur et bas-côté), laquelle sert admirablement la spatialisation du dialogue « orgue et orchestre », ont inspiré à Jean Guillou des prodiges d'architecture musicale puisant dans une palette de timbres d'une « vérité » et d'une immédiateté impressionnantes. Quant à l'omniprésente prise de risque, à l'instar des concerts hollandais de 1980, elle nourrit de la ferveur lyrique et de l'énergie qu'elle requiert la moindre plage de ces deux disques généreux, enregistrés les 23, 24 et 25 septembre 2013 – pour ainsi dire presque dans les conditions du concert.
Rarement un interprète, parce qu'également ou avant tout compositeur, se sera montré à ce point recréateur d'une œuvre comme Jean Guillou dans ce cycle Haendel. Un cycle doublement contemporain, serait-on tenté de dire : aussi bien, et pleinement, de Haendel que de Guillou lui-même. Haendel – dont on sait que l'orgue type, celui dont il disposait dans les théâtres où il jouait ses Concertos entre les actes de ses oratorios, était dépourvu de pédalier – aurait sans doute été sidéré, mais émerveillé, de découvrir ce qu'un seul et même exécutant peut faire dans une telle musique, où une si grande part d'initiative est explicitement sollicitée de l'interprète.
Michel Roubinet
Outre la biographie et la discographie de Jean Guillou ainsi que divers articles ayant trait à l'organologie, on trouvera sur le site (à télécharger en pdf) le catalogue complet de son œuvre : Orgue solo, Orgue et autres instruments, Orchestre, Musique de chambre, Transcriptions pour orgue : http://www.jean-guillou.org/partitions.html
(2) Manifestation organisée autour des orgues des deux principales églises françaises de Rome – San Luigi dei Francesi, Trinità dei Monti –, la Settimana dell'organo fête en 2017 sa dixième édition, toujours sous la direction artistique de Daniel Matrone, titulaire du Merklin de Saint-Louis-des-Français et curateur de celui de la Trinité-des-Monts. Pour mémoire :
www.concertclassic.com/article/compte-rendu-rome-semaine-de-lorgue-saint-louis-des-francais-1
www.concertclassic.com/article/compte-rendu-rome-semaine-de-lorgue-saint-louis-des-francais-ii
Jean-Guillou, orgue
Œuvres de Bach et Widor
15 juillet 2017 – 11h
Compiègne – Eglise Saint-Jacques
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Œuvres de Haendel et Guillou
15 juillet 2017 – 12h
Compiègne – Eglise Saint-Antoine
www.festivaldesforets.fr/index.php?page=concert&id=329
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