Riche histoire que celle des Percussions de Strasbourg (fondées en 1962) et fabuleux répertoire que celui engrangé au fil des ans par la formation alsacienne. Depuis le mitan des années 2010, elle a pris un nouveau départ, grâce à l’action de Jean Geoffroy à la direction artistique (de 2015 à 2017), puis celle de son successeur, Minh-Tâm Nguyen. Les « Percus » sont devenues plus présentes sur les scènes grâce à une malléabilité accrue des effectifs et des programmes qui savent conjuguer la mise en valeur de son patrimoine (plus de 350 créations depuis 1962 !) et des ouvrages nouveaux.
 

Toshio Hosokawa : Regentanz (ext.)

2016 aura été une année marquante dans l’histoire des PDS puisqu’elle a vu la naissance de leur propre label. Première référence du catalogue, le fascinant Burning Bright d’Hugues Dufourt a permis au public de reprendre toute la mesure de la place occupée par les musiciens alsaciens dans le paysage de la création. Après un plus anecdotique « Drum-Machines » avec ErikM, Ghostland de Pierre Jodlowski a constitué une autre remarquable réussite, tandis que reparaissait (disponible en téléchargement) le légendaire enregistrement des Pléiades de Xénakis.

Les Percussions de Strasbourg © Christophe Urbain
 

Malika Kishino : Sange (ext.)

Cap sur le Japon cette fois avec « Rains » (sortie officielle le 13 septembre). Vrai coup maître, ce programme bâti autour du thème de la pluie (et enregistré sous la direction artistique de J. Geoffroy) rassemble deux création récentes, signées Toshio Hosokawa et Malika Kishino, une pièce de Yoshihisa Taïra, toutes trois pour six instrumentistes (ici Minh-Tâm Nguyen, Galdric Subirana, François Papirer, Hsin-Hsuan Wu, Thibault Weber et Enrico Pedicone) et un ouvrage de Tōru Takemitsu, pour trois exécutants (par les trois premiers précités). Dialogue harmonieux du passé et du présent : le nouvel enregistrement des Percussions (1) reflète toute leur philosophie.
 

Yoshihisa Taïra : Hiérophonie V (ext.)

Regentanz (Danse de la pluie, 2018) d’Hosokawa ouvre le programme : musique envoûtante – inspirée de la musique cérémonielle japonaise – qui prend naissance dans le quasi-silence et l’immobilité pour peu à peu s’animer avec une souplesse toute calligraphique.
La pluie est celle des pétales qui bénissent les esprits défunts lors d’une cérémonie boudhiste dans Sange (2016) de Kishino et la magie sonore opère au cours d’une partition aux multiples strates, pleine de mystère et d’arrière-plans. Kishino a écrit Sange en hommage à Y. Taïra (1937-2005) pour le 10^ème anniversaire de sa disparition : la Hiérophonie V(1975) de ce dernier suit donc tout naturellement. Un ouvrage plus âpre, en son début en tout cas – le cri à la percussion ici se mêle –, qui évolue en profondeur par la suite et confronte les musiciens à une écriture très minimaliste, restituée avec un fusionnel sens des nuances et de l’infinitésimal, souvent à la limite du silence, avant une jubilatoire et très physique conclusion.
 

Tōru Takemitsu : Rain Tree (ext.)

Compositeur japonais le plus connu du public français, Takemitsu (un magnifique créateur qui, on ne le répétera jamais assez toutefois, ne saurait résumer la musique japonaise de la seconde moitié du XXe siècle) a le mot de la fin avec Rain Tree (1981), ouvrage inspiré par la chute des gouttes d’eau de l’arbre après l’averse. Musique impalpable, merveilleuse au sein plein du mot, elle referme à la manière d’un rêve l’une des très belles nouveautés discographiques de la rentrée. Un voyage sonore aussi magique qu’abouti – à écouter avec des haïkus de Bashô ou Ryôkan.
La rentrée est riche aussi, côté concerts, pour les Percussions de Strasbourg. On les retrouve en particulier au Festival Musica Strasbourg, le 29 septembre (à 17h) avec la création mondiale de Timelessness de Thierry de Mey.(2)

Alain Cochard

(1) 1 CD PDS 119 ( sortie officielle le 13 sept. 2019) // www.youtube.com/watch?v=98_oxSclVl4
(2) festivalmusica.fr/manifestation/1562/timelessness

Site des Percussions de Strasbourg : www.percussionsdestrasbourg.com/