Journal
Le Disque de la Semaine – Vivaldi par Julien Chauvin et le Concert de la Loge (Vivaldi Edition – Vol. 63 / Naïve)
Violoniste virtuose, Antonio Vivaldi se prit de passion pour l’opéra à partir de 1713, année la création d’Ottone in villa au teatro di Piazza de Vincenza. C’était le premier titre d’une très longue liste d’ouvrages qui ne cessa de s’enrichir jusqu’à la toute fin de la décennie 1730. Occupé par le monde lyrique, le prolifique Prêtre Roux n’en oubliait par pour autant la musique instrumentale, le concerto en particulier. Expérimentateur, amoureux du timbre instrumental, Vivaldi a confié un rôle soliste à des instruments inattendus à son époque dans le domaine concertant (tel le violoncelle qu’il a osé extraire du continuo pour le mettre au premier plan et en révéler tout le potentiel expressif).
Le violon n’en est pas moins demeuré toujours très cher au cœur du Vénitien, qui lui a confié des inspirations parfois très marquées par la voix et le théâtre ; les six concerti enregistrés par Julien Chauvin et le Concert de la Loge en témoignent. La manière lumineuse et piaffante avec laquelle le soliste attaque l’Allegro initial du Concerto en ut majeur RV 187 donne le ton d’un album qui fait figure de rayon de soleil et de bouffée d’air frais – c’est dire qu’il est plus que bienvenu en ce moment ...
Varié, le programme montre en outre la capacité du compositeur à adapter son écriture aux circonstances sans que son imagination en pâtisse. A côté d’ouvrages extrêmement virtuoses tels que les Concertos RV 187, 217 ou 327, on trouve ici une partition sans doute écrite pour un amateur (le sol mineur RV 321), une autre (le si mineur RV 387) destinée à Anna Maria, élève favorite du Rosso à l’Ospedale della Pietà. Partout, l’inventivité du propos séduit par son dynamisme et son élan vital autant que par la prégnance poétique des mouvements lents (écoutez l’Adagio du Concerto en ré mineur RV 235 ; du très grand Vivaldi ...).
Sur un magnifique Guarneri de 1721, l’archet de Julien Chauvin parvient à extraire tout le suc des partitions, avec une pureté de ligne et une qualité d’intonation qui rappellent à quel instrumentiste on a affaire. D’un bout à l’autre de l’enregistrement, l’énergie vitaminée du propos – dépourvu de toute brusquerie cependant – émerveille, comme la diversité des éclairages et des couleurs. Ivresse virtuose ici, envoûtant lyrisme là, partout l’intensité et la complicité de l’échange entre le soliste et ses musiciens visent un seule et unique cible : la poésie. Le VIIIe volume des concerti per violino de l’Edition Vivaldi et, sans l’ombre d’une hésitation, l’un des plus aboutis !
Alain Cochard
Naïve OP 30585
www.concertdelaloge.com/sorties-discographiques.html
Photo © Franck Juery
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