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« Le Jardin des Voix » à Pleyel - Vocalité néo-baroque - Compte-rendu

Pour ce nouvel hommage à Rameau, signe de la place privilégiée que le Dijonnais occupe dans le cœur de William Christie, le chef américain et ses Arts Florissants avaient tout particulièrement soigné le fond et la forme, avec la complicité agissante de Paul Agnew et Sophie Daneman, dont on peut dire qu'il connaissent les cent détours de l'art tout ensemble éclatant et subtil de Jean-Philippe.

Tout simplement, stimulé par le jeu de la retransmission en direct sur le site de la Cité de la musique, ce «Jardin de Monsieur Rameau» créait l'événement, heureusement partagé entre bonheur rythmique et mélodique. C'est qu'il existe un univers spécifique «Arts florissants», où de la leçon de style et de son naissent affects et humanité. Un univers qui, au fil des ans, s'est fait «vitrine» des goûts lyriques du Grand Siècle, puis des Lumières, les découvertes n'y manquant pas; telle la Cantate drolatique Rien du tout de Nicolas Racot de Grandval (1676-1753) où l'auteur parodie avec talent l'esprit parisien des théâtres à la mode et que la mezzo britannique Emilie Renard réveillait l'autre soir avec finesse, masquant des moyens limités par un sens de l'instant où la cantatrice était en accord avec la diseuse.

Au delà, ce Jardin des Voix 2013 aura frayé sa route dans la ferveur, sentiment partagé à l'évidence par les six solistes, en proposant comme un état des lieux du jeune chant baroque à l'enthousiasme d'un public venu en nombre. Disons qu'une tendance s'y manifeste, qui semble annoncer l'avènement d'une vocalité - et d'un belcantisme - qu'on appellera néo-baroque. Mais l'émotion reste la même, lovée à la racine du mot et du chant et défendue significativement par une équipe multinationale très séduisante, avec une Israélienne, la soprano Daniela Skorka, voix attachante, mais peut-être en quête d'identité; au contraire du lumineux mezzo de Benedetta Mazzucato, qui ne cesse d'associer le bonheur du dire à une radieuse vocalité (l'air « Quels doux concerts » tiré d'Hippolyte et Aricie). Désignée comme la lauréate de l'édition 2013, cette jeune Italienne sera à suivre de près, tout comme le ténor américain Zachary Wilder, Tacmas plus que convaincant dans la 3ème entrée des Indes Galantes, cependant que nos compatriotes Victor Sicard et Cyril Costanzo, respectivement baryton et basse, laissaient parler une juste sensibilité ramiste dans Dardanus et les Surprises de l'Amour.

Roger Tellart

Paris, Salle Pleyel, 2 avril 2013

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Photo : Philippe Delval
 

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